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Chapitre 5

  Chapitre 5

  Enzo passa la matinée du lendemain à l'université, s'effor?ant de maintenir une apparence de normalité. Il donna son cours sur les mouvements de résistance européens avec un détachement professionnel qui masquait le tumulte de son esprit. Comment parler objectivement de la Résistance fran?aise quand on a senti l'odeur de la poudre dans un appartement lyonnais de 1943? Comment analyser la chute du tsarisme russe après avoir vu la neige tomber sur Saint-Pétersbourg depuis les fenêtres du Palais d'Hiver?

  à la fin du cours, Sophie l'attendait dans le couloir, un dossier à la main et une expression indéchiffrable sur le visage.

  "J'ai trouvé des choses intéressantes," dit-elle sans préambule en lui tendant le dossier. "Sur ce professeur Kader dont je t'ai parlé."

  Enzo jeta un regard autour d'eux. Le couloir grouillait d'étudiants. "Pas ici. Allons au café."

  Dix minutes plus tard, ils étaient installés dans un coin tranquille du café universitaire. Enzo ouvrit le dossier avec une impatience qu'il tenta de dissimuler. Il contenait des photocopies de lettres, des coupures de journaux jaunis et quelques photographies en noir et blanc.

  "Ahmed Kader," expliqua Sophie. "Professeur d'archéologie à l'Université d'Alger jusqu'en 1962. Spécialiste des influences astronomiques sur les civilisations antiques d'Afrique du Nord." Elle pointa une photo montrant un homme au regard per?ant, debout devant des ruines. "Ton grand-père a travaillé avec lui pendant son service militaire en Algérie. Apparemment, l'armée fran?aise détachait occasionnellement des soldats pour protéger certains sites archéologiques."

  "Et le lien avec Kovalev?" demanda Enzo, se rappelant la annotation sur la lettre de Saint-Pétersbourg.

  Sophie haussa les sourcils, surprise. "Tu connais ce nom? Je croyais que tu n'en avais jamais entendu parler."

  Enzo se maudit intérieurement pour cette erreur. "J'ai... trouvé une mention dans les papiers de mon grand-père hier soir. Qui était-il?"

  "Un émigré russe, précepteur à la cour du Tsar avant la révolution. Il a fui la Russie en 1917 avec ce qu'on supposait être une partie des bijoux de la famille impériale." Sophie poussa vers lui une photocopie d'une page de journal datée de 1960. "Regarde ?a."

  L'article, publié dans un journal algérien francophone, annon?ait la découverte d'un manuscrit ancien attribué à Mikhail Kovalev, détaillant une théorie astronomique reliant certains sites archéologiques méditerranéens à la constellation de la Grande Ourse. Le manuscrit avait été découvert par le professeur Kader.

  "La co?ncidence te para?t trop grande pour être fortuite, n'est-ce pas?" demanda Sophie, observant attentivement sa réaction.

  "Et mon grand-père était impliqué?"

  "Il était présent lors de la découverte. Son nom est mentionné comme 'assistant de sécurité'." Sophie hésita. "Enzo, il y a autre chose. Dans les archives de ton grand-père, j'ai trouvé des références à une 'correspondance temporelle'. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'une simple collection de lettres historiques, mais..." Elle baissa la voix. "Certaines notes suggèrent quelque chose de plus... étrange."

  Le c?ur d'Enzo s'accéléra. Jusqu'où pouvait-il se confier? Sophie était rationnelle, méthodique, ancrée dans une approche scientifique de l'histoire. Comment réagirait-elle face à l'idée de voyages temporels?

  "Comme quoi?" demanda-t-il prudemment.

  "Des annotations sur la possibilité de 'visiter' le passé. Des références à des 'témoignages directs' impossibles à obtenir autrement. Ton grand-père écrivait comme s'il avait réellement... vécu ces moments historiques." Elle le fixa intensément. "Enzo, que se passe-t-il vraiment? Que sont ces lettres que tu cherches?"

  La question resta suspendue entre eux, lourde d'implications. Avant qu'Enzo ne puisse formuler une réponse, son téléphone vibra. Un message de Mireille: "Viens vite. J'ai trouvé la lettre d'Algérie. C'est important."

  "Je dois y aller," dit-il en se levant précipitamment. "Une urgence familiale."

  Sophie le retint par le bras. "Enzo, quoi que tu traverses, tu n'es pas obligé de le faire seul."

  Il hésita, touché par son inquiétude. "Je te promets de tout t'expliquer bient?t. Mais pas maintenant."

  Trente minutes plus tard, Enzo franchissait la porte de la maison familiale. Mireille l'attendait dans le salon, le visage marqué par l'inquiétude.

  "J'ai trouvé ceci en rangeant les affaires de Jean," dit-elle en lui tendant une enveloppe jaunie. "Elle était cachée dans sa vieille bo?te à souvenirs d'Algérie."

  L'enveloppe, adressée à "Jean Talep, 3ème Régiment de Parachutistes, Secteur d'Alger", portait le cachet de la poste militaire d'avril 1960. L'expéditeur était simplement identifié comme "A.K." - Ahmed Kader, supposa Enzo.

  "L'as-tu lue?" demanda-t-il.

  Mireille secoua la tête. "Je n'ai pas osé. Ces lettres... elles ont leur propre vie, leur propre pouvoir. Jean disait qu'elles choisissent leurs lecteurs."

  Enzo s'assit près de la fenêtre, l'enveloppe entre ses mains tremblantes. Cette lettre était différente des autres. Elle avait été adressée directement à son grand-père, créant un lien personnel qui rendait ce voyage plus intime, plus risqué aussi peut-être.

  "Je vais la lire ici," décida-t-il. "Si quelque chose se passe... veille sur moi."

  Mireille hocha la tête et s'installa dans un fauteuil face à lui. Enzo ouvrit l'enveloppe avec précaution et en sortit une lettre rédigée d'une écriture élégante mais pressée.

  "Alger, 12 avril 1960

  Mon cher Jean,

  Suite à notre conversation d'hier, je dois vous mettre en garde. Les hommes qui nous observaient au café n'étaient pas des agents du FLN comme nous l'avions d'abord supposé. Leur intérêt n'est pas politique, mais bien plus dangereux et complexe.

  Les découvertes que nous avons faites sur le site de Tipaza vont au-delà de l'archéologie conventionnelle. La septième étoile, celle que nous avons identifiée gravée sur la pierre circulaire, correspond exactement aux coordonnées mentionnées dans le manuscrit de Kovalev. Ce n'est pas une co?ncidence."

  Alors qu'Enzo poursuivait sa lecture, la sensation désormais familière du voyage temporel commen?a à l'envelopper. La lumière du salon s'estompa, remplacée par une clarté plus crue, plus intense. L'air frais d'avril en France céda la place à une chaleur sèche, chargée de poussière et d'épices.

  Lorsque sa vision s'éclaircit, Enzo se trouvait au sommet d'une colline dominant une baie magnifique, d'un bleu si profond qu'il semblait irréel. Des ruines romaines s'étendaient autour de lui, colonnes brisées et pavés antiques cuisant sous le soleil algérien.

  Tipaza, le site archéologique mentionné dans la lettre.

  à quelques mètres de lui, deux hommes étaient penchés sur ce qui semblait être une dalle de pierre circulaire partiellement enterrée. L'un d'eux, portant l'uniforme des parachutistes fran?ais, était jeune, athlétique, avec des traits qui firent sursauter Enzo - c'était Jean Talep, son grand-père, agé d'à peine trente ans.

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  Le second homme, plus agé, vêtu d'une tenue de terrain poussiéreuse, devait être le professeur Ahmed Kader. Il dessinait soigneusement quelque chose dans un carnet, s'interrompant parfois pour gratter délicatement la surface de la pierre avec une petite brosse.

  "C'est extraordinaire," disait Kader avec un accent fran?ais impeccable. "Le motif stellaire est identique à celui décrit par Kovalev. Et regardez la position de cette étoile isolée - elle est légèrement décalée par rapport au dessin classique de la Grande Ourse."

  Jean s'accroupit pour mieux voir. "La septième étoile?"

  "Exactement! Dans la mythologie berbère ancienne, cette étoile 'errante' est celle qui guide les voyageurs entre les mondes." Kader tra?a du doigt un symbole sur la pierre. "Et ce cercle brisé ici? Il représente un passage incomplet, une voie qui attend d'être refermée."

  Jean fron?a les sourcils. "Comme dans le manuscrit. 'Le cercle doit être fermé pour que les temps se rejoignent.'"

  Le professeur hocha la tête, son expression oscillant entre l'excitation scientifique et une inquiétude plus profonde. "Jean, ce que nous avons trouvé dépasse l'archéologie traditionnelle. Si mes traductions sont correctes, cette pierre marque l'un des sept 'points de convergence' mentionnés par Kovalev."

  "Et la clé?" demanda Jean. "Vous pensez qu'elle est ici?"

  "Pas la clé physique - celle-là est en sécurité. Mais les indications pour l'utiliser, oui." Kader se releva, époussetant son pantalon. "Nous devons être prudents. D'autres cherchent ces indices."

  "Les hommes du café?"

  "Je ne sais pas qui ils sont exactement, mais ils ne sont pas ce qu'ils prétendent être." Le professeur regarda autour de lui, soudain méfiant. "J'ai l'impression d'être... observé."

  Enzo tressaillit. Comme Kovalev à Saint-Pétersbourg, comme Marie à Lyon, le professeur semblait percevoir sa présence invisible.

  Jean vérifia machinalement son arme de service. "Je peux demander à ce que la sécurité du site soit renforcée."

  "Ce ne serait pas suffisant contre eux." Kader baissa la voix. "Ces hommes... je les ai déjà vus auparavant. Ou plut?t, des hommes comme eux. Ils apparaissent à travers l'histoire, toujours aux moments cruciaux, toujours avec le même objectif."

  "Qui sont-ils?"

  "Ils se font appeler les Gardiens. Ils prétendent protéger l'intégrité du temps lui-même." Kader eut un rire sans joie. "En réalité, ils maintiennent un statu quo qui les arrange. Ils empêchent certaines vérités d'émerger, certains changements de se produire."

  Cette description correspondait exactement aux mystérieux adversaires que Kovalev avait affrontés au Palais d'Hiver. Ces "Gardiens" semblaient opérer à travers les époques, pourchassant ceux qui, comme Kovalev, Kader, et maintenant Jean, cherchaient à comprendre - ou modifier - quelque chose dans la trame du temps.

  "Et nous, que cherchons-nous exactement?" demanda Jean, formulant la question qui br?lait les lèvres d'Enzo.

  Kader regarda longuement la mer scintillante. "Une possibilité. Une chance de corriger une bifurcation fatale dans l'histoire. Pas seulement l'histoire collective, mais aussi les histoires personnelles, les destins individuels." Il posa une main sur l'épaule de Jean. "Y a-t-il quelque chose que vous voudriez changer dans votre passé, lieutenant? Une décision, un événement dont les conséquences vous hantent?"

  Jean détourna le regard, et Enzo y vit une douleur qu'il n'avait jamais observée chez son grand-père. "Peut-être. Mais est-ce seulement possible?"

  "Les sept clés, ensemble, ouvrent cette possibilité. Elles créent ce que Kovalev appelait une 'boucle stable' - un point où le passé et le futur se rejoignent, permettant une... correction limitée."

  Une pierre dégringola soudain de la colline voisine, mettant les deux hommes en alerte. Jean dégaina son arme, scrutant les environs.

  "Nous ne sommes pas seuls," murmura-t-il.

  "Il faut protéger la pierre," dit Kader en se pla?ant instinctivement devant la dalle circulaire. "Si les Gardiens la trouvent, ils la détruiront."

  "Que contient-elle exactement?"

  "Des coordonnées. La position précise de la convergence suivante." Kader sortit un appareil photo de son sac. "Je dois documenter ces inscriptions avant qu'il ne soit trop tard."

  Alors qu'il commen?ait à photographier méthodiquement la pierre, une détonation retentit, suivie d'un impact qui souleva un nuage de poussière à quelques centimètres d'eux. Un tireur embusqué!

  Jean réagit instantanément, plaquant Kader au sol et ripostant vers la source du tir. "Restez à couvert!" cria-t-il avant de ramper vers une position plus protégée.

  Enzo, spectateur impuissant, voulut les avertir qu'un second homme approchait par leur droite, mais sa voix resta silencieuse dans ce passé où il n'était qu'un fant?me.

  Une nouvelle détonation. Cette fois, Jean fut touché, s'effondrant avec un cri étouffé, sa jambe droite soudain maculée de sang.

  "Jean!" Kader se précipita vers lui, déchirant un morceau de sa chemise pour improviser un garrot.

  "Prenez les photos et partez," grogna Jean à travers la douleur. "Je vais les retenir."

  "Hors de question de vous abandonner."

  "Ce n'est pas négociable, professeur. Les coordonnées sont plus importantes que nous deux."

  Leurs regards se croisèrent, chargés d'une compréhension mutuelle qui dépassait leur collaboration récente. Comme s'ils étaient liés par quelque chose de plus profond, de plus ancien.

  "Très bien," concéda finalement Kader. Il sortit de sa poche un petit objet métallique qu'il pressa dans la main de Jean. "Gardez ceci. C'est la troisième clé. Si je ne reviens pas... elle doit être transmise."

  Jean examina brièvement l'objet - une petite clé dorée ornée du symbole de la Grande Ourse, similaire à celle que Kovalev avait cachée à Saint-Pétersbourg.

  "à qui?" demanda-t-il.

  "Vous saurez. Les porteurs se reconnaissent toujours." Kader se redressa, prêt à partir, mais s'immobilisa soudain. Son regard balaya l'espace autour d'eux, s'arrêtant précisément à l'endroit où se tenait Enzo.

  "Un observateur," murmura-t-il. "Ici, maintenant."

  Jean suivit son regard, confus. "Quoi?"

  "Quelqu'un nous observe à travers le temps. Je peux le sentir." Kader plissa les yeux, comme s'il tentait de distinguer une forme dans la brume. "Est-ce vous, le suivant? Celui qui fermera le cercle?"

  Une troisième détonation interrompit ce moment surréaliste. La balle frappa le sol près d'eux, projetant des éclats de pierre.

  "Partez!" ordonna Jean, se positionnant pour couvrir la retraite du professeur.

  Kader hésita encore un instant, puis s'élan?a vers le bas de la colline, zigzaguant pour éviter les tirs. Jean, malgré sa blessure, fournit un feu de couverture efficace, for?ant le tireur à rester à l'abri.

  Mais le second homme qu'Enzo avait repéré contournait maintenant leur position. Il émergea soudain derrière un pilier romain, un pistolet à la main, visant directement Jean.

  Enzo voulut hurler un avertissement. Et, contre toute attente, quelque chose se produisit. Un son émana de lui - pas tout à fait une voix, plut?t une vibration qui sembla perturber l'air autour d'eux.

  Jean se retourna instinctivement, juste à temps pour voir son assaillant. Il tira, touchant l'homme à l'épaule. L'adversaire chancela mais répliqua, sa balle effleurant la tempe de Jean qui s'effondra, inconscient.

  Le sang d'Enzo se gla?a. Son grand-père, jeune et vulnérable, gisait immobile sur les pierres anciennes de Tipaza.

  Les deux assaillants - des "Gardiens", supposa Enzo - s'approchèrent prudemment. L'un d'eux, le visage froid et méthodique, vérifia rapidement l'état de Jean.

  "Vivant," annon?a-t-il. "La boucle reste intacte."

  "Et Kader?" demanda son compagnon, pressant sa blessure à l'épaule.

  "échappé, avec les photos." Il fouilla les poches de Jean. "La clé n'est pas là."

  "Impossible. Kader la lui a donnée, j'ai vu l'échange."

  "Alors il l'a cachée." L'homme se redressa. "Peu importe. Le lieutenant Talep ne se souviendra de rien. Protocole standard d'effacement."

  Il sortit de sa veste un appareil similaire à celui que le leader des Gardiens avait exhibé à Saint-Pétersbourg. Mais avant qu'il ne puisse l'utiliser, des cris en fran?ais et en arabe résonnèrent au bas de la colline. Des renforts militaires approchaient, probablement alertés par les coups de feu.

  "On doit partir," dit l'homme blessé, nerveux.

  Son compagnon hésita, visiblement contrarié de laisser leur travail inachevé. "Cette convergence n'est pas résolue. L'observateur est toujours ici."

  Il tourna la tête dans la direction d'Enzo, et pendant un instant terrible, leurs regards semblèrent se croiser à travers les barrières du temps et de la perception.

  "Nous nous reverrons," dit-il directement à Enzo. "Le cercle ne peut pas se refermer."

  Les deux hommes s'éclipsèrent rapidement, disparaissant parmi les ruines comme des fant?mes. Quelques minutes plus tard, des soldats fran?ais envahirent le site, découvrant Jean inconscient et blessé.

  La scène commen?a à se dissoudre autour d'Enzo, signalant la fin du voyage. Mais avant que tout ne disparaisse, il remarqua quelque chose d'étrange. Jean, supposément inconscient, ouvrit brièvement les yeux et glissa un objet sous une pierre proche - la clé que Kader lui avait confiée.

  Puis tout s'effa?a, et Enzo se retrouva dans le salon de Mireille, haletant et désorienté.

  "Enzo!" Sa grand-mère était penchée sur lui, l'inquiétude creusant son visage. "Tu es resté absent presque une heure. J'ai cru que..."

  "Je vais bien," la rassura-t-il, bien que son corps entier tremblat de l'intensité de l'expérience. "J'ai vu Papi. En Algérie. Je l'ai vu recevoir la clé."

  Le visage de Mireille se figea. "La clé? Il t'a montré où il l'a cachée?"

  "Sous une pierre, à Tipaza. Mais..." Enzo examina la lettre, cherchant une annotation post-voyage, comme avec les précédentes. Il la trouva au verso, écrite d'une main qu'il reconnut immédiatement - celle de son grand-père Jean:

  "à celui qui voyage: la clé n'est plus à Tipaza. Je l'ai récupérée plus tard et ramenée ici. Cherche où les étoiles brillent toujours, même dans l'obscurité. Le cercle doit être refermé avant 1962. La prochaine convergence est proche. L'Empire russe, 1917. Les Gardiens se rapprochent. - J.T."

  


      
  1. L'Empire russe. Le cercle temporel les ramenait au point de départ de sa découverte.


  2.   


  Enzo regarda sa grand-mère, une question br?lant ses lèvres. "Mamie, que s'est-il passé en 1962 que Papi voulait changer?"

  Les yeux de Mireille s'emplirent de larmes. "Quelque chose de terrible. Quelque chose qui nous a tous marqués à jamais."

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