- La Flamme de la Volonté
Son chignon tiré à quatre épingles, une infirmière secouait vivement Tsukinoko avant de tirer d’un coup sec la couverture. La porte claquée au nez, Tsukinoko s’étire paisiblement dans le couloir sous les regards méprisants des patients.
Toutes les discussions de la veille refont surface dans son esprit et elle a l'impression que le ciel lui tombe sur la tête. Devant le miroir des toilettes du couloir, elle constatait ses cheveux noirs qui lui arrivaient aux genoux, ébouriffés, ses habits tout froissés, et les bottes chaudes offertes d’hier oubliées à l'infirmerie. Honteuse, elle rejoint le bureau du Chef pieds-nus.
- Bonjour ! crie-t-elle en ouvrant brusquement la porte.
Deux anciens ne daignèrent la saluer et continuaient à discuter avec le Chef. Ils s'en vont mais elle réplique par une grimace mimant leur expression méprisante.
- Nous ne l’approuvons pas, Haruo, s'écrie la vieille dame en s’arrêtant sur le seuil. Tu devrais la confier à un expert d'abord. Surtout en ce moment nous n’avons besoin d’ennuis supplémentaires. Et tu as bien mieux à faire que cela.
- Je n'ai pas encore pris ma décision, nous verrons bien ce qu'en disent les Adjudants que j’ai sélectionnés.
- Sagi nous a confié également qu’il souhaitait s’occuper de cette sauvageonne. Sais-tu d’où lui vient cet engouement ? Qu’a-t-elle de si spécial pour vous deux, finalement ?
Le Chef fronce les sourcils puis leur fait signe de disposer.
- Vous êtes qui vous les fossiles ? lance Tsukinoko s?r d'elle alors qu’ils s’en allaient.
- Pardon ? demandent-ils en ch?ur d'un air contrarié.
Ils tournent les talons et s'en vont, agacés de son comportement. Le chef, assis à son bureau souriait, amusé par son insolence. Il s’agissait des conseillers du Village, Shoji Fujita et Harue Kato.
Il soupire doucement devant son innocence puis ouvre une chemise pendant qu’elle tripotait tous les documents sur son bureau, habituée à fouiner dans le travail de son père. Il hésite puis la laisse curieusement lire le registre des soldats du village.
- Alors je dois faire quoi ? Qui va faire mes papiers ? Je vais être dans le livre aussi, avec tous les soldats ? enchaine-t-elle.
- Nous allons commencer par compléter ton dossier, s’exclame-t-il. Ensuite, nous irons à la salle d'entra?nement et tu me montreras ce que tu sais faire. Les professeurs détermineront s'il vaut mieux t'inscrire à l'Académie ou si tu as déjà le niveau suffisant pour être intégrée dans une brigade. Approche.
Tsukinoko s'avance curieusement à c?té de lui, les mains dans le dos, mais il la regarde de haut en bas.
- Désolée ! s'affole-t-elle. J'irais les chercher après les bottes ! J’ai essayé de retourner dedans mais c’était fermé, et les gens me regardaient bizarrement, et j’ai senti la dame mais elle était loin, à l’h?pital, et j’avais la flemme d’y aller, alors-
- Tu l’as sentie ? s’interroge-t-il.
- Quoi ?
Il plisse les yeux mais ne répond pas, la trouvant pleine de vie même si son regard trahissait sa peine. Il se racle la gorge et change de sujet. Ils remplissent ensemble tous les formulaires et Tsukinoko signe le contrat convenu.
Dans une boutique de vêtements au centre-ville, le Chef donne au vendeur une enveloppe contenant des étrennes pour Tsukinoko.
Debout devant le miroir de la cabine d’edssayage, nue comme un ver, elle tripotait son ventre, recouvert d’une marque à laquelle elle était encore peu habituée. Le dragon aurait pu dispara?tre avec l’eau et le temps, mais il était toujours là, comme encré dans sa peau, serpentant du sternum aux pubis.
Tsukinoko ressort et tournoie devant lui, attendant son avis sur sa nouvelle tenue. Une chemise blanche avec de courtes manches roses et un petit n?ud au col, une jupe-short noire, une paire de sandales aux pieds et des mitaines blanches qu’elle avait enfilées avec soin. Sans attendre son accord, elle clipse des barrettes blanches sur ses cheveux.
Dans le préau de l’Académie, des gradins en hauteur de part et d’autre, des pantins d’entra?nement amassés au fond de la salle. Le Chef recule de quelques pas pour laisser Tsukinoko au centre et s’exclame.
- Montre-moi ce que tu sais faire pour commencer.
Peut-être valait-il mieux se faire passer pour ignorante et repartir de zéro. Tsukinoko baissa les yeux vers le sceau d’invocation inscrit à son poignet. L’idée de l’utiliser la traversa, mais cinq ans s’étaient écoulés. Elle ne savait pas ce qui surgirait, et cela l’inquiétait.
Elle choisit de s’en remettre à ce qu’elle ma?trisait : le chakra pur. Elle avait cette capacité unique à le modeler comme de l’argile, à le faire vibrer autour d’elle tel un manteau d’énergie. à cela s’ajoutaient son agilité en combat rapproché et son maniement du sabre. Endurante, rapide, elle n’avait pourtant su développer qu’une seule technique propre. Elle s’adaptait, improvisait, forgeait ses attaques selon le moment.
Tous les jours, elle s’était entra?née. Seule ou face à lui. Elle s'était formée dans les larmes, le sang et la sueur, tandis que lui restait froid, détaché, la repoussant d’un simple mouvement du doigt. Lorsqu’elle projetait son chakra, celui-ci prenait la forme de cha?nes jaillissant de ses bras, semblables à des anguilles d’électricité. Sa nature première était la foudre, mais elle ma?trisait aussi le feu — une rareté à son age, que son père jugeait insignifiante.
Pour lui, rien n’était jamais assez. Chaque progrès ne valait que comme prélude à une difficulté nouvelle, comme si la montagne qu’elle gravissait ne possédait aucun sommet. Il lui avait appris à libérer ses pulsions, à tout ravager sur son passage, afin qu’aucun adversaire n’ose jamais se dresser devant elle.
- Alors ? s'impatientait le chef. Tes parents ne t'ont-ils rien appris ?
- Deux secondes putain ! L'est pressé celui-là... marmonne-t-elle dans sa barbe en reprenant ses esprits.
De sa petite taille, elle tenait déjà un fort caractère et il lève un sourcil en même temps que des chuchotements s'échappent des gradins dissimulés.
- C'est qui eux ? s’étonne-t-elle soudain.
- Tes potentiels adjudants. Ils sont au nombre de six, l’un d’eux acceptera ou non de s'occuper de toi, si tu as le niveau. à toi de leur montrer tes exploits maintenant. Commence par la technique de clonage.
Les joues rouges de malaise, elle effectue les incantations du mouton, serpent puis tigre. Deux clones de foudre apparaissent et le Chef plisse les yeux alors que les spectateurs s’étonnent à leur tour. Ses clones d’ombre, d’un niveau élevé se faisant passer pour des clones d’elle, ne trompent pas les experts. Viens alors la métamorphose. Ses deux clones se métamorphosent en Chef, et ce dernier acquiesce.
- Bien, montre-nous tes aptitudes en combat. Attaque-moi.
Elle le regarde, surprise, mais n’hésite pas plus longtemps et signe l’incantation du tigre. Une aura violacée émane autour d'elle, formée par son chakra qu’elle concentrait, sous les yeux attentifs des experts au combat. Elle tend les bras et deux tentacules de chakra foncent droit sur le chef, qui les évite facilement.
Il avait ressenti son malaise, mais reconnait qu'elle était rapide et agile, ses techniques le surprenaient. Elle ne bouge pas et il fait alors descendre deux Adjudants pour mesurer ses compétences.
- Voilà. Comporte-toi comme s’ils étaient tes ennemis, comme si tu étais en mission pour protéger des civils. N’aie pas peur. Vous disposez de deux minutes pour le premier tour.
Tsukinoko hésite une seconde mais les deux Adjudants approchent doucement, et elle interroge encore le Chef qui acquiesce.
Toute sa vie, chaque personne avait représenté une menace contre sa famille, qu’il fallait éliminer sur le champ. Maintenant que le Village était sa famille, elle allait pouvoir démontrer le sort qui était réservé à ses adversaires. Son chakra fonce sur les deux Adjudants, qui ne faisaient pas qu’esquiver et attaquaient en retour.
Courant à même le mur autour d’eux, comme un prédateur qui encerclait sa proie, elle évitait leurs projectiles et se tenait à distance de leurs coups. Elle prend appui sur le mur pour atterrir derrière eux. Aussi rapide que la foudre, son chakra enveloppe un des deux Adjudants.
- Pouvoir de la foudre - Aura déferlante !
Son aura s’électrifie et le courant puissant paralyse l’adjudant, lui br?lant la peau en parcourant l’intérieur de son corps. Elle se défait et bascule d’un mouvement pour se retrouver accroupie sur les épaules du second qui venait en aide à son collègue.
L’aura s’agglutine sur les épaules de l’adjudant puis descend sur ses bras. Il tente de s’en défaire comme on repousserait des milliers fourmis qui grimpent sur soi, mais il se retrouve rapidement incapable de bouger, tenu fermement par le chakra dense. Il tente de résister mais Tsukinoko se relève, debout sur ses épaules, puis ferme les yeux, les mains jointes. Le silence régnait dans la salle, les yeux rivés sur elle.
L’adjudant retient son souffle. Elle signe une suite d’incantations si rapidement qu'un étonnement se fait entendre dans les gradins. D’un mouvement sec, elle écarte les mains, tendues face aux murs adjacents où se retrouvent projetés de part et d’autre les bras arrachés de sa proie. Abasourdi, il se met à bégayer avant de pousser un hurlement de douleur. Tombé à genoux, Tsukinoko posa la pointe d’une lame contre sa nuque, qu’elle lui avait dérobé pendant qu’il agonisait, le regard aussi sombre que le sang qui s’accumulait à ses pieds.
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Le chronomètre accroché aux gradins sonne la fin des deux minutes.
Les Adjudants restants surgissent pour saisir l’arme et retenir Tsukinoko, effarés. L’une d’eux au chevet du premier homme, constatant l’ampleur des dégats, pendant que le dernier tentait de stopper l’hémorragie de son collègue.
- Tu as tué Ayame ! hurle l’autre à Tsukinoko, agenouillé dans la mare de sang de son confrère.
- Quelle espèce de monstre est cette gamine ? Je n’avais jamais vu ?a, se méfie l’un des deux qui la retenait toujours. Cela ressemblerait presque aux méthodes de sélection des soldats de l’ombre.
Tous les regards la maudissaient, remplis de haine et de dégo?t, comme si l’enfer leur avait livré une tueuse sans scrupules, sans ame.
- Et alors ?! panique-t-elle. Ils avaient qu’à se défendre !
- Tu... Tu viens de prendre la vie d’un homme, de condamner un autre, et c’est tout ce que cela te fait ?! Tu souhaites rejoindre les rangs du Village, alors que tu n’éprouves pas une once de culpabilité ? Jamais nous n’accepterons qu’un démon comme toi erre ici !
- Doucement, souffle un des experts avec une queue de cheval.
Des applaudissements rhétoriques s’échappèrent des gradins, comme pour approuver les dires, ajoutant davantage de tension à la situation et coupant court aux discussions.
Sagi, homme du même age que le Chef, avec d’épais cheveux noirs, une cicatrice au menton et portant une tunique bleu foncé, avait les yeux rivés sur Tsukinoko. Il était accompagné de deux agents masqués, se tenant derrière lui comme des pantins. Sagi était le chef de la sous-branche de la Colonie qu’il dirigeait au même titre que le Chef. Ces entités mystérieuses ?uvraient en secret pour la sécurité du Village, deux armées d’agents masqués et silencieux qui ne laissaient aucun indices derrière eux.
Un des agents constatait la mort de l’adjudant électrocuté. Tsukinoko était toujours debout au milieu de la flaque de sang, ne sachant que faire, pendant que les autres Adjudants étaient partis à l’h?pital avec leur confrère manchot. Le vieil homme et le Chef se disputaient à l’autre bout du préau.
- C’est hors de question ! gronde le Chef.
- Et que comptes-tu faire des témoins ? Cela se saura dès ce soir, et rien ne pourra la protéger. Personne ne sait où est passé le Démon à neuf yeux, je suis convaincu que les rumeurs se porteront sur elle. Tu n’as pas su prendre les mesures nécessaires.
Le Chef, surgit derrière Tsukinoko, l’assomme et la laisse tomber à ses pieds. Sagi comptait approcher mais il l’en dissuade d’un regard.
- Tu commets une grave erreur, rétorque-t-il.
Sagi s’en va avec ses agents qui portaient le cadavre, leur dictant le scénario qui sera donné à la famille pour expliquer la disparition de leur proche. Le Chef les regarde partir, avant de poser les yeux sur Tsukinoko, étendue à ses pieds.
Peut-être avait-il véritablement commis une erreur.
?
Une semaine plus t?t, deux mois après l’attaque de Ky?me, à l’h?pital.
Inconnue au recensement, Tsukinoko avait été mise sous surveillance de la Colonie et plongée dans le coma. Le directeur de l’h?pital prenait sa température. Son analyse sanguine avait révélé un point important.
Le Chef lut le rapport médical puis écarquilla les yeux.
- Comment est-ce possible ? Le clan Anb? a été extrêmement diminué après la guerre, ses membres se comptent sur les doigts de la main aujourd’hui.
- L’un de ses parents est issu de la lignée pure. Je croyais que nous avions recensé les quelques anciens restants en gérontologie...
- C’est impossible, affirma-t-il. Et son autre parent serait... Effacez ces analyses, ordonna-t-il après avoir lu l’autre résultat.
- C’est une sage décision, souffla Sagi sur le seuil.
Le Chef resta de dos, mais Sagi approcha de Tsukinoko pour l’observer longuement.
- J’ai vérifié les registres de tous les clans du village, il n’y a aucune trace d’elle parmi eux. Il se pourrait alors que le clan Karumin l’ait élevée dans le plus grand des secrets afin de s’en servir pour l’Attaque.
Le clan Karumin n’était pas responsable de l’attaque du démon, mais Sagi en doutait. Réputé pour le Negin, qui leur conférait le pouvoir de manipuler les esprits les plus puissants tels ceux des Gardiens, dont l’un d’eux était le démon à neuf yeux, Ky?me. Il invita Sagi à sortir, laissant les médecins avec les agents de la Colonie. Ces derniers détruisirent alors toutes preuves et résultats d’analyses.
Devant l’h?pital, les deux hommes se jaugeaient du regard.
- Jusqu’à preuve du contraire, cette enfant n’est pas tenue responsable de la catastrophe. Je l’ai placée sous surveillance, et je m’occuperai de vérifier ses dires à son réveil.
- Elle devra rejoindre la Colonie pour être gardée sous surveillance. Qui sait ce qu’un mélange de ces clans a mis au monde, cela est sans précédent.
?
Tsukinoko se réveillait allongée sur de gros coussins. La pièce, spacieuse, était simple. Des murs jaune pale remplis de bibliothèques, et une estrade rouge surmontée d’un tapis vert sur laquelle elle tr?nait. Des parchemins étaient empilés ci et là. Son chapeau posé à c?té de lui, le chef continuait son travail.
- Ils sont passés où les autres ? s’étonne-t-elle. Dis Jījī, c’est quoi le problème ? Pourtant tu m’as dit que-
- Silence. C’est moi qui n’ai pas pris les précautions nécessaires. Nous ne savons pas d’où tu viens. Vu ton ignorance à toute épreuve, je n’ai plus le droit à l’erreur désormais.
- Mais je... Attends tu dis que je suis bête ? grimace-t-elle. Mais alors, qui va s’occuper de moi ? Ils ont dit que j’étais un monstre...
- Souhaites-tu réellement rester à Hanamaru ?
- Bah oui !
- Pour quelles raisons ?
Elle semble mal à l’aise.
- Je... Maman a dit que je devais venir ici, pour protéger Hanamaru, elle vient d’ici tu sais Jījī, elle me parlait tout le temps de Hanamaru. Et Papa aussi, mais il m’a promis qu’il allait revenir, qu’il viendrait me chercher !
Le chef devine que ce sont leurs dernières paroles, avant d’avoir disparus. Il rallume sa pipe et sort sur le balcon, l’air songeur. Debout devant le rebord, il regardait le soleil se coucher sur Hanamaru. Tsukinoko observait le village et ses habitants, chacun affairés, les enfants sortant de l’Académie, des personnes agés discutant sur un banc devant le parc, des familles, des couples, des amis, tout un tas de personnes, sur lesquelles elle devait maintenant veiller.
- Eh Jījī, demande-t-elle doucement en posant ses mains sur la rambarde, qui est prioritaire ?
- Prioritaire ? répète-t-il en tirant sur sa pipe.
- Si y a une grosse cata arrive à nouveau, je comprends que chacun protège tout le monde, mais on peut pas sauver tout le monde. Même si les villageois comptent sur nous. Je... Enfin, comment on fait ?
Il comprend le sens de sa question à travers la formulation maladroite et souffle un grand coup.
- Et bien, qui sont les plus importants au village selon toi ?
- Bah toi, t'es le Chef... Pas vrai ? Après je dirais les Fossiles, puis-
- Je ne te parle pas de hiérarchie. Si jamais le village est en danger, qui iras-tu sauver en premier ?
- Bah toi... répète-t-elle. T'es vieux en plus, t'auras besoin d'aide, et si t'es plus là je fais comment moi ? dit-elle tristement. T’es le seul qui me regarde pas comme une sauvage, comme si j’étais un démon moi aussi... dit-elle en se grattant le ventre.
Un frisson la parcourt à l'idée de se retrouver seule dans la nature à nouveau.
- Eh bien quelqu'un d'autre s'occupera de toi. C'est ainsi que cela fonctionne, nous nous protégeons les uns les autres, répète-t-il solennellement. Mais tu n'auras pas besoin de t'occuper de moi, je suis peut-être vieux mais je suis censé être le plus fort, ricane-t-il. Je devrais donc être le dernier à qui il faut venir en aide, car mon r?le est de tous vous protéger. Qui iras-tu sauver alors ?
- Bah... j’irais aider les villageois. J'irais surtout aider les vieux comme toi, parce qu'ils peuvent vraiment pas se défendre, et les enfants, parce qu'ils auront trop peur. Enfin je pense... Moi j'ai eu peur, dit-elle honteusement.
Tsukinoko avait le sens réel du devoir, même s’il y avait encore du chemin à parcourir, mais c’était ce sens que le Chef voulait fa?onner pour l’amener à guider Hanamaru et veiller sur le village comme il se devait.
- Ce sont les enfants qui sont l'avenir de Hanamaru, reprend-il. Avant que nous nous en rendions compte, ils seront grands et c'est eux qui feront vivre le village. Comme toi, si tu décides de rester. Ils sont encore innocents, pleins de volonté, ils auront besoin des anciens pour les guider. Mais c'est pour cela que nous sommes là, n’est-ce pas ?
- Pour les protéger, s'écrie-t-elle s?re d'elle.
Il baisse la tête et acquiesce. Les yeux de Tsukinoko brillaient sous la lumière chaude du coucher de soleil, et elle se tourne vers Hanamaru pour admirer la vue en méditant sur ces nouvelles paroles.
Son père lui avait toujours imposé que la véritable raison pour laquelle il fallait se battre était pour protéger ceux que l'on aime. Et aujourd'hui, même si sa famille n’était plus là, elle souhaitait protéger ce village qu'elle considérait comme sa nouvelle maison, son héritage. Même si elle reniait encore la vérité sur leur sort, elle espérait de tout c?ur qu’ils ne lui en voulaient d'avoir désobéi, même si elle ne se le pardonnera jamais.
Les souvenirs étaient revenus après son réveil à l’h?pital. Ky?me était bien venu semer la discorde entre eux, par sa faute jugeait-elle. Même si le mystère demeurait toujours autour de son arrivée ici, elle n'y pouvait rien.
Tsukinoko avait quelqu'un sur qui compter dorénavant et elle ne le laissera pas tomber, qu’il veuille d’elle ou non, elle ne l’abandonnera pas.
Finalement, elle s’attachait à ce village où elle avait toujours souhaité vivre étant petite. Elle restera ici et protégera le Chef qui l'a recueillie, sans poser de questions. Si ses parents devaient revenir un jour, elle se trouve là où ils lui avaient demandé de les attendre.
Tsukinoko libère toute la pression de ses épaules en acceptant son destin, et de chaudes larmes de soulagement dévalent ses joues. Disant au revoir à ses parents dans un gros soupir. Elle se sentait en sécurité ici. Rien ne pourra jamais effacer la plaie laissée par leur disparition, mais elle comptait tout faire pour ne pas baisser les bras.
Même si son accueil était hostile, elle saura se faire respecter et trouver sa place, leur prouver à tous sa valeur.
Une lueur brillait au fond de ses yeux violets. Ce n'était pas la lumière du soleil mais quelque chose de plus fort, une flamme remplie de volonté.
Il la regarde un instant, prêt à rendre son jugement. Prêt à lui accorder une seconde chance, malgré l’accident, malgré leur rencontre facheuse, malgré les nombreuses mises en garde du Conseil. Remplit de fierté et soulagé de la voir faire son deuil, il était prêt à éponger les nombreuses larmes et ramasser les pots cassés qui l’attendait pour les prochaines années.
Tsukinoko manquait cruellement de connaissances théoriques et de culture, et le Chef décida alors de prendre en main son entrainement militaire pour les premiers mois.
- Hein ?! s'offusque-t-elle. Mais t'es tout vieux ! Tu vas faire quoi, me regarder m'entra?ner pendant que tu fais la sieste ?! crie-t-elle à nouveau.
Elle eut un mouvement de recul lorsqu’il éclata de rire, lui qui d’ordinaire arborait un air grave sur son visage ridé. Son rire était rempli de sincérité, comme s’il avait hate d’entamer le quotidien animé qui est désormais sien.
C'était un honneur pour quiconque dans le pays d'être entra?né par le Chef, souverain militaire et à part entière de Hanamaru. Une fois le contrat reconnaissant le parrainage signé, et quelques consignes données, Tsukinoko f?t installée dans un appartement. Chaque jour, elle avait rendez-vous à cinq heures précises de l’après-midi pour s'entra?ner.
Chez le marchand qui l’avait chassée auparavant, Tsukinoko lui tendit son portemonnaie en baissant la tête, méfiante. Il tata des yeux la grosseur de la besace puis la laissa entrer dans son épicerie.
Des paquets de nourriture emballée avec des photos, des inscriptions à n’en plus finir, des dizaines de produits qui se ressemblent les uns les autres, l’effervescence de modernité faisait perdre ses moyens à Tsukinoko.
Là où elle vivait jadis, tout était fait maison et produit dans le jardin. Son portemonnaie allégé et de retour dans son appartement les bras chargés, elle étudia attentivement les instructions à l’arrière des emballages de repas achetés.
Une minute ne s’était même pas écoulée que la gazinière prit feu, emportant son déjeuner avec la casserole. Assise devant le mur de la cuisine noir de fumée, elle finit par se décider à retourner à l’épicerie.
Le soir-même, allongée sur le vieux transat de la terrasse en observant le ciel, Tsukinoko se senti rassurée d’avoir un toit sur la tête et quelqu’un qui s’occupait d’elle. Les souvenirs de ses parents continuaient d’emplir son esprit, mais elle était incapable d’y renoncer. Une dernière fois, elle partit à leur recherche. Après, ce sera trop tard. C’était sa dernière chance, son dernier espoir, et elle savait qui appeler pour l’aider.
Aptitudes visuelles, appara?t chez les membres du clan Karumin.