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Chapitre A_Quand lAngélique Souvre_02

  Après la réunion, Cyclope fut ? escorté ? par les deux militaires de Marshall, un de chaque c?té. Plut?t que de retourner se reposer sur le bateau, cela ressemblait davantage à l'escorte d'un prisonnier. Le col de sa sempiternelle chemise en lin était de travers, et la marque rouge que le soleil avait laissée sur son cou était particulièrement visible sous la lumière jaunatre et blafarde du campement. Avant de partir, il se retourna et me regarda longuement, son expression complexe, comme s'il avait quelque chose à dire. Mais finalement, il se contenta d'un geste de la main et sa silhouette disparut derrière la petite butte de terre accidentée qui menait à l'embarcadère temporaire.

  La peur de la journée, ajoutée à un travail intense et à une tension mentale constante, m'avait laissée vidée de toute force.

  Au d?ner, Marto avait spécialement préparé pour nous, les quelques-uns à avoir vécu l'? hallucination ?, une soupe épaisse censée ? favoriser le sommeil ?. Ce truc, servi dans des bols en terre cuite grossière, était une bouillie noiratre dégageant une odeur étrange de terre mêlée à des herbes. Mais Marto affichait une expression si sincère, du genre ? c'est vraiment un truc excellent ?, que je retins ma respiration, fermai les yeux, me pin?ai le nez et l'avalai d'une traite. Le go?t... comment dire, en tout cas, après l'avoir bue, ma langue est restée engourdie un bon moment. J'aurais préféré qu'il me donne directement deux somnifères, ?'aurait été plus simple.

  Je me pin?ai le nez, l'avalai d'une traite, puis, tra?nant mes jambes comme si elles étaient de plomb, je retournai au conteneur. Le soulagement momentané apporté par une douche chaude fut presque immédiatement submergé par une lourde somnolence. Mes cheveux n'étaient même pas encore complètement secs que ma tête toucha à peine l'oreiller et je perdis connaissance, sans même avoir le temps de faire un rêve.

  Lorsque je rouvris les yeux, ce fut le léger bruit de la t?le du conteneur vibrant sous le vent nocturne qui me réveilla. Ce bruit n'était pas fort, mais dans le silence de mort de la nuit, il était particulièrement irritant. Je tatonnai pour regarder ma montre au poignet – neuf heures et demie du soir. Bien, apparemment, je n'avais dormi que deux ou trois heures. La fatigue dans mes os s'était considérablement atténuée, mais mon esprit était aussi vif que si je venais de boire du café.

  à l'intérieur du conteneur, seule une petite veilleuse de secours était allumée, la lumière était faible. L'air était imprégné du parfum frais de gel douche à l'olive que Baba Yaga venait d'utiliser. Elle avait déjà terminé sa toilette et était maintenant tranquillement allongée sur son lit de camp.

  Je tournai instinctivement la tête vers la minuscule fenêtre du conteneur. Dehors, il faisait noir comme dans un four, seule la lueur froide de la Lune de Givre peinait à percer l'épaisse couche de nuages, projetant quelques faibles rayons sur la mer sombre au loin, y dessinant quelques reflets. Un sentiment indéfinissable d'agacement et d'oppression montait peu à peu du fond de mon c?ur.

  Je tirai doucement la porte du conteneur que je partageais avec Baba Yaga, mon sac de couchage sous le bras. L'axe métallique de la porte émit un léger ? crissement ? qui, dans le silence de la nuit, parut extraordinairement clair.

  à peine avais-je sorti la moitié du corps que la voix de Baba Yaga retentit derrière moi.

  ? Tu sors encore dormir dehors ? ?

  Mon dos se raidit, et je faillis laisser tomber mon sac de couchage. Baba Yaga était appuyée sur sa couchette rudimentaire, son regard particulièrement per?ant dans la pénombre.

  ? Sphinx ?, sa voix n'était pas forte, mais elle possédait une force de pénétration qu'on ne pouvait ignorer, ? dis-moi la vérité, est-ce que tu me méprises ou quelque chose comme ?a ? Ai-je été somnambule la nuit dernière ? ?

  Je m'arrêtai net, me retournant presque instantanément, agitant les mains, mon débit de parole s'accélérant : ? Non, non ! Absolument pas ! Tu as dormi très tranquillement hier ! Comment peux-tu penser une chose pareille ? ?

  Baba Yaga ne dit rien, se contentant de me regarder en silence, son regard ressemblant à celui qu'elle aurait si elle s'apprêtait à sortir son fusil pour abattre quelqu'un.

  Je soupirai, expliquant avec un certain accablement : ? En fait, c'est... la fenêtre de ce conteneur est trop petite. ? Je désignai la petite lucarne qui ne laissait filtrer que quelques maigres rayons de lune. ? On ne voit rien. ?

  ? On ne voit pas quoi ? ? Elle haussa légèrement un sourcil.

  ? Le ciel étoilé, et la lune. ? Je serrai mon sac de couchage. ? Dans mon appartement à Libélin, ma chambre a une baie vitrée sur tout un mur. Ici... si je ne vois pas les étoiles, je n'arrive pas à dormir. ? J'ajoutai à voix basse, d'un ton confus, sentant qu'expliquer cette ? manie ? presque précieuse à une mercenaire aguerrie avec un langage logique qui la convaincrait que je ne cherchais pas d'excuses était une gageure.

  Un bref silence s'installa dans le conteneur, seulement troublé par le bruit régulier des vagues s'écrasant sur les récifs au loin.

  Après un long moment, Baba Yaga laissa échapper un léger ? hmm ?, rompant ce silence.

  Elle changea de position, semblant un peu plus détendue, sa voix aussi un peu plus douce qu'auparavant : ? Ah, c'est ?a. ?

  Ces trois mots simples dissipèrent le léger malaise que je ressentais. Dieu merci, elle ne continua pas à poser de questions, même si je ne lui avais pas menti.

  Je lui jetai un coup d'?il. Elle avait de nouveau tourné son regard vers ce minuscule bout de ciel nocturne découpé par la fenêtre, comme si elle essayait de comprendre ce que je voulais dire par ? ciel étoilé ?.

  Mon sac de couchage sous le bras, je lui adressai un signe de tête et dis doucement : ? Alors... je sors. ?

  ? Mmm, bonne nuit, fais de beaux rêves. ? Baba Yaga se laissa retomber en arrière, se tourna et fit face au mur.

  Je tirai la porte. Le vent nocturne, chargé d'une fra?cheur salée et humide, s'engouffra à l'intérieur.

  Sous le clair de lune, la plage noire semblait saupoudrée d'une fine poussière d'argent, brillant d'une lueur douce et glaciale. Au loin, la Lune de Cendre conservait cette teinte cramoisie moribonde, ses bords rougeoyant d'une lueur sombre et inquiétante, comme une énorme braise sur le point de s'éteindre ; tandis que la Lune de Givre, froide comme la glace, diffusait un halo bleuatre, tel un saphir abandonné sur du velours. Les deux lunes étaient ainsi suspendues, l'une haute, l'autre basse, sur la toile d'encre du ciel, composant un tableau à la fois étrange et d'une magnificence déconcertante.

  Je pris une profonde inspiration d'air frais. Le sentiment d'oppression qui me serrait la poitrine s'était enfin considérablement dissipé.

  à l'autre bout de la plage, devant l'écran de projection rudimentaire tendu à la hate, les autres membres masculins de l'équipe venaient de finir de regarder la retransmission satellite d'un match de football dont on ignorait la provenance. L'écran était déjà noir, mais ils étaient manifestement encore sur leur faim. La voix forte de Marto s'entendait de loin, analysant à tue-tête une décision arbitrale litigieuse. Minos, sa vieille guitare éternellement désaccordée entre les bras, grattait quelques accords de manière décousue, lachant de temps à autre un ? ce but était clairement hors-jeu ! ?. Krishna, chose rare, ne tripotait pas son matériel de communication et s'était joint à la discussion, bien que ses paroles fussent généralement noyées dans les éclats de voix des autres.

  Ce gamin de Cobra, lui, se vantait à qui mieux mieux, gesticulant et expliquant quelque chose, sa voix trahissant une suffisance non dissimulée : ? Je vous le dis, l'hallucination que j'ai eue cet après-midi, je suis retourné directement sur le grand terrain en terre de mon village natal ! Les matchs de foot qu'on fait là-bas, ?a, c'est intense ! Je vous le dis, avec mon niveau, intégrer une équipe professionnelle de Libélin comme attaquant, ce serait du gateau ! Les reprises de volée, les retournés, c'est de la rigolade pour moi ! ?

  ? Arrête tes bêtises, Cobra ! ? Marto ramassa une canette écrasée à c?té de lui, la fit sauter d'un coup de la pointe du pied. La canette s'éleva docilement, rebondit plusieurs fois sur son cou-de-pied, puis, d'une astucieuse talonnade, elle tra?a une courbe et atterrit avec précision dans sa main. ? Avec tes trois pauvres techniques, attaquant professionnel ? La dernière fois sur le bateau, en jonglant, tu as fait tomber la trousse de secours, t'as oublié ? On se fait un petit match ici sur la plage, si tu veux ? Que grand frère Marto t'apprenne à jouer avec ta tête ! ?

  ? Viens si tu veux, j'ai pas peur de toi ! ? En entendant cela, Cobra retrouva aussit?t son entrain. Il retroussa ses manches, laissant appara?tre deux bras minces mais d'apparence plut?t solide. ? Marto, ne crois pas que j'ai peur de toi parce que tu es costaud ! Moi, c'est la souplesse ! Le jeu technique, tu comprends ? ?

  Les autres se mirent aussit?t à les encourager avec enthousiasme, réclamant à grands cris de voir leur ? derby sur la plage ?. Minos jeta carrément sa guitare sur le sable, se proposant comme arbitre et sortant même avec un air très sérieux un sifflet de la trousse de premiers secours pour le mettre à sa bouche. Mimir, intéressé lui aussi, préparait son appareil photo pour enregistrer ces ? précieuses ? images. Quelques lampes de secours furent rassemblées, éclairant vivement une petite portion de plage.

  Marto jeta la canette sur le sable et fit un geste signifiant ? à toi l'honneur ?. Cobra ne se fit pas prier. Il prit deux pas d'élan et tenta de passer Marto avec un dribble compliqué en tirant la balle sous sa semelle, mais son pied glissa et il manqua de se faire un croche-pied, provoquant l'hilarité générale. Marto, imperturbable, attendit le bon moment, se décala simplement sur le c?té pour le bloquer, et d'un léger intérieur du pied, la canette roula docilement jusqu'à ses pieds. Il lan?a un regard suffisant à Cobra, affichant un large sourire qui découvrit des dents légèrement jaunies par la fumée.

  Cobra, ne s'avouant pas vaincu, se releva en époussetant le sable de ses vêtements, marmonnant ? le sable est trop mou, ?a gêne mon jeu ?, puis se jeta de nouveau sur lui en criant. Les deux hommes s'affrontèrent ainsi sur ce ? terrain de football de plage ? improvisé. Cobra, profitant de sa jeunesse et de sa souplesse, sautait et bondissait, essayant de percer avec sa vitesse et ses feintes ; Marto, plus expérimenté, les appuis solides, défendait de manière intraitable, profitant de temps à autre des erreurs de Cobra pour lui subtiliser le ? ballon ? avec quelques petites techniques d'apparence maladroite mais efficaces. Bien que leur technique f?t à des années-lumière de celle d'? attaquants professionnels ?, leur sérieux et leur détermination à ne pas perdre étaient plut?t plaisants à voir.

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  Finalement, après une course-poursuite haletante et un ? coup de sifflet final ? fantaisiste de Minos, les deux hommes terminèrent sur un match nul, personne n'ayant ? marqué ?. Cobra, épuisé, s'affala sur le sable en soufflant bruyamment. Marto, les mains sur les hanches, le front perlant de sueur, arborait pourtant un sourire de vainqueur.

  La foule éclata de rires encore plus sonores et de sifflets. Cobra, chahuté, criait à tue-tête, mais en vain. Ils continuaient de débattre avec passion pour savoir si un ? but ? marqué précédemment aurait d? être validé, et qui avait gagné ou perdu quelques paquets de biscuits compressés à l'issue de leurs paris, dissipant temporairement la tension et l'étrangeté de la journée dans une atmosphère de franche camaraderie.

  Je n'avais aucune envie de me mêler à la liesse de ces fous de foot.

  Mon sac de couchage sous le bras, je les contournai à pas de loup et me dirigeai vers l'endroit où j'avais dormi la nuit précédente, à l'abri du vent, derrière la dune, loin du réseau électrique à haute tension. L'endroit était relativement calme, on n'entendait que le bruit des vagues et le grondement sourd du générateur provenant du campement au loin. Je déployai mon sac de couchage comme à mon habitude, sortis ma lampe de secours de mon sac à dos, l'allumai, et un petit halo de lumière douce et orangée s'illumina à mes pieds.

  Au moment où j'allais me glisser dans mon sac de couchage, je remarquai soudain du coin de l'?il, non loin de là, sur une plage de rochers saillants près de la cl?ture électrique du campement, une silhouette familière. C'était Anubis.

  Il tournait le dos aux lumières du campement, assis seul, la tête légèrement relevée, semblant tenir quelque chose dans ses mains, face au ciel nocturne profond. à la faible lueur des deux lunes, je crus reconna?tre l'astrolabe en or qu'il tenait.

  Ce type, au lieu de dormir au milieu de la nuit, il est là tout seul à regarder les étoiles ? me dis-je en mon for intérieur.

  L'incident hallucinatoire de la journée m'avait laissée encore un peu secouée, et surtout, sa capacité d'observation de l'environnement, d'une minutie quasi pathologique, me donnait toujours l'impression que ce type cachait pas mal de secrets.

  Peut-être que l'agitation du match de foot m'avait donné une petite envie de parler, ou peut-être que cette nuit était trop calme et incitait à la rêverie. J'hésitai un instant, puis, me disant que ? même s'il me rembarre, ce n'est pas grave ?, je me dirigeai vers lui.

  ? Cet astrolabe, tu as fini de le nettoyer ? ? Je m'effor?ai de prendre un ton aussi désinvolte que possible et m'arrêtai non loin de lui.

  Anubis semblait avoir senti mon approche depuis longtemps. Sans se retourner, il se contenta d'un ? hmm ? neutre, ses doigts continuant de glisser doucement sur les graduations complexes de l'astrolabe.

  ? Toi, cet après-midi... pendant ton hallucination, qu'as-tu vu ? ? La question m'échappa, comme malgré moi. Peut-être parce que j'avais vécu la même chose, j'étais particulièrement curieuse de savoir ce que les autres avaient pu rencontrer dans cet univers bizarre et chatoyant.

  Ses mouvements s'interrompirent un instant. Il resta silencieux un moment, puis parla enfin lentement, sa voix un peu flottante dans le vent nocturne : ? Rien de spécial. J'ai vu... la cour de la maison où j'ai grandi. ? Il marqua une pause, comme plongé dans un souvenir lointain. ? Il y avait un jujubier dans la cour, très haut. Je grimpais à l'arbre et je jetais les jujubes m?rs à ma s?ur qui se balan?ait en dessous. ? Sa voix était si basse qu'elle se perdait presque dans le bruit des vagues.

  C'était la première fois que je l'entendais parler de son passé de sa propre initiative, même si ce n'étaient que quelques mots.

  ? Et ta s?ur ? ? ne pus-je m'empêcher de demander. Une personne qu'il évoquait sur ce ton devait certainement être très importante pour lui.

  Anubis ne répondit pas à ma question, mais reporta son regard sur l'astrolabe qu'il tenait, son ton retrouvant cette nonchalance teintée d'une pointe de distance qui lui était habituelle : ? Et toi ? Sphinx, quels beaux rêves as-tu encore faits ? ?

  Je sentis qu'il évitait délibérément le sujet de sa s?ur. Tant mieux, chacun a ses jardins secrets.

  Je pris une profonde inspiration. L'air marin, chargé de sel, emplit mes poumons. C'était frais, mais cela me permit aussi de retrouver un peu mes esprits. Je répondis honnêtement : ? J'ai vu que j'étais dans un vaisseau spatial, avec ma mère. ?

  Anubis haussa un sourcil, semblant un peu surpris par ma franchise.

  ? C'était une astronaute ?, dis-je en regardant la Lune de Cendre, d'un rouge sombre, au loin, ma voix un peu rauque. ? Il y a de nombreuses années, elle a participé à une mission d'exploration vers la Lune de Cendre. Mais... le vaisseau a eu une avarie sur l'orbite prévue, puis a perdu tout contact avec la Terre. Ce vaisseau, et toutes les personnes à bord, se sont ainsi perdus dans l'espace, et depuis... plus aucune nouvelle. ? En disant cela, je m'effor?ai de garder un ton aussi calme que possible.

  Anubis écouta en silence, sans m'interrompre, sans manifester la moindre compassion ni surprise, continuant de tenir l'astrolabe pointé vers l'étoile Iure, la lueur de la lune projetant des ombres mouvantes sur son visage.

  Après un long moment, il laissa seulement échapper un léger ? oh ?, puis reposa l'astrolabe : ? Pour l'instant, il y a encore trop de lumière parasite aux alentours, ?a gêne la visibilité. Attendons que tout le monde soit parti. ?

  Tout en parlant, son regard tomba, comme par inadvertance, sur ma tablette posée à c?té de moi, l'écran affichant toujours les photos de ces documents en ancien G?nok. Il ne tendit pas immédiatement la main pour la prendre, se contentant de la regarder. Au bout d'un moment, il parla enfin lentement, sa voix basse mais possédant une force de pénétration qu'on ne pouvait ignorer : ? Ces images... mon équipement pourrait peut-être les rendre un peu plus 'claires'. ?

  Je compris ce qu'il voulait dire. Ce type, il avait toujours cette fa?on de formuler ses demandes d'un ton neutre et détaché. Je maugréai intérieurement, mais hochai néanmoins la tête : ? D'accord. Je te les enverrai par satellite tout à l'heure, mais ce sera très lent, tu sais. Si tu veux les voir, regarde d'abord ?a. ? Je lui tendis ma tablette.

  ? Mmm ?, fit-il en prenant la tablette, ses doigts glissant de nouveau sur l'écran froid.

  Au bout d'un moment, il dit, comme s'il se parlait à lui-même, ou comme s'il me parlait : ? Cet Ardashir... a rencontré quelques ennuis. D'abord, il a fait la connaissance de deux jeunes filles du royaume de Xu, d'un statut particulier, qui semblaient appartenir à la famille d'un haut fonctionnaire. ?

  ? Ouah ! ? laissai-je échapper involontairement.

  ? Il s'est aussi retrouvé mêlé à une affaire... quelqu'un voulait détruire le temple G?nok de Jinxiujing et éteindre le Feu Sacré. ? Anubis continua de faire défiler les photos, ses sourcils se fron?ant davantage. ? Attends... ce passage, le contexte avant et après est trop flou, beaucoup de détails cruciaux sont illisibles. Dommage. ?

  Je me penchai pour regarder. Effectivement, la mise au point de ces quelques photos était un peu mauvaise, comme si la main avait tremblé au moment de la prise de vue, ou que la lumière était trop faible. Je ne pus m'empêcher de ressentir un peu de dépit...

  Anubis ne parut pas se soucier de mon dépit et continua de feuilleter, comme s'il assemblait les pièces d'un puzzle immense dont de nombreux morceaux manquaient.

  ? Plus tard, le vieil empereur du royaume de Xu est mort, et le pays a eu un nouveau souverain. ? Sa voix restait égale, sans trahir la moindre émotion. ? Ardashir semblait beaucoup apprécier ce nouveau monarque, et même... il a commencé à occuper une fonction au palais impérial du royaume de Xu. ?

  ? Mmm, mmm ?, fis-je, essayant de faire correspondre ces informations fragmentaires avec ce que je savais de l'histoire du royaume de Xu à cette époque. Jinxiujing était alors la plus grande ville du monde, de nombreux étrangers y vivaient déjà et pouvaient même devenir des proches conseillers du souverain au sein du palais impérial.

  ? Cette jeune fille nommée 'Rong'... ? Anubis s'arrêta soudain sur une photo dont l'écriture était relativement claire, son doigt tapotant légèrement l'écran. ? Elle a beaucoup d'interactions avec Ardashir. Il y a aussi du paichelan ici, à c?té de ces notes en G?nok, cela appara?t plus d'une fois, comme des annotations, ou... des compléments d'information. Est-ce elle qui a écrit ?a ? ?

  Mon c?ur sursauta, je restai interdite un instant. Effectivement, dans le sarcophage découvert dans la tombe de la Princesse Zhaohui, de nombreux poèmes et notes écrits en paichelan portaient la signature d'une fonctionnaire du palais nommée ? Dugu Rong ?. Se pourrait-il que... ces deux ? Rong ? fussent la même personne ? Je ne formulai pas immédiatement ma supposition, ne voulant pas interrompre le fil de la pensée d'Anubis.

  La lueur de la lune et les lumières vacillantes du campement au loin projetaient sur son visage des ombres mouvantes. Il continuait de feuilleter en silence, page après page. Le temps semblait s'être figé autour de lui ; seuls le gémissement du vent soufflant sur les dunes et le vacarme décroissant des fous de foot dans le campement lointain se faisaient entendre.

  J'étais assise à c?té de lui, les genoux repliés contre ma poitrine, observant son profil concentré, ses cils projetant une petite ombre sous la faible lumière de l'écran.

  Finalement, il laissa échapper un long soupir et posa la tablette sur le sable. Il ne me regarda pas immédiatement, mais tourna son regard vers la mer au loin, blanchie par le clair de lune.

  ? Ces choses... ? dit-il enfin, sa voix un peu plus grave qu'auparavant, ? comment ont-elles été découvertes au début ? Je veux dire, la personne qui a pris ces photos ? ?

  Sa question, comme une brosse douce, effleura la poussière à la surface de ma mémoire.

  Je réfléchis un instant, m'effor?ant d'organiser, d'un ton relativement objectif, ce que j'avais lu dans les journaux et les notes fragmentaires de mon grand-père, Nantang, ainsi que mes propres déductions : ? D'après certains écrits de mon grand-père, les négatifs de ces documents proviennent d'une... tombe très particulière. D'après l'épitaphe, la défunte était une 'Princesse Zhaohui' de la dynastie Xu, nommée Lanyi. Mais dans les chroniques officielles, cette princesse semble s'être volatilisée, aucune trace d'elle. Son père était l'Empereur Wenguang, Chu Jin. ?

  Je fis une pause, me remémorant les caractères sur ces pages jaunies, ainsi que l'excitation et la perplexité contenues que mon grand-père laissait transpara?tre entre les lignes : ? Dans le cercueil de cette tombe, il n'y avait pas de squelette. Seulement ces choses, des rouleaux et des manuscrits sur soie, entassés, écrits dans diverses langues que nous avons aujourd'hui beaucoup de mal à identifier complètement. à l'époque, les conditions... étaient très mauvaises, de nombreux documents ont commencé à se dégrader rapidement dès leur exhumation. Mon grand-père et son équipe, avec les meilleurs moyens dont ils disposaient alors, c'est-à-dire de la pellicule de cinéma, les ont 'photographiés', un par un. ?

  Anubis avait écouté en silence.

  ? Quant au reste, c'est encore plus compliqué. Il y a des documents administratifs, d'autres qui ressemblent à des journaux intimes, des poèmes épars, et aussi... des diagrammes et des symboles incompréhensibles. ? Je le regardai en haussant les épaules. ? Donc, ces choses sont très hétéroclites. Le paichelan est aussi une langue étrangère pour moi, je suis encore en train de l'étudier. Mon grand-père avait fait une sorte de numérotation, mais ce système de classement n'est pas celui qui est couramment utilisé dans les milieux archéologiques de Libélin. ?

  Anubis ne parla pas immédiatement, continuant de feuilleter les images en langue G?nok.

  Les vagues battaient la plage à un rythme régulier, encore et encore.

  ? Je vois ?, dit-il enfin, sa voix teintée d'un soupir presque imperceptible.

  Il me regarda, un sourire indéfinissable aux lèvres, ses yeux sous le clair de lune ressemblant à deux puits anciens, profonds et insondables, capables d'aspirer tous les secrets. ? Les notes d'Ardashir en G?nok, je te les expliquerai petit à petit. Mais pour la partie en paichelan du royaume de Xu, je pense qu'il est aussi nécessaire que je la comprenne. Car je suppose qu'elles sont liées par mille fils. ?

  ? Ce doit être ?a. Alors, merci beaucoup, si tu es prêt à me dire ce que signifie exactement ce G?nok. ?

  ? Pas de problème, cela a aussi éveillé mon intérêt. Mais maintenant ?, commen?a-t-il lentement, sa voix basse mais possédant une force d'attraction à laquelle on ne pouvait résister, ? si tu veux que l'histoire que nous pourrons reconstituer tous les deux soit plus passionnante... Les événements passés du royaume de Xu, consignés en écriture paichelan... Je pense que j'ai aussi le droit de les conna?tre. Après tout, ce n'est qu'en croisant les fils de trame et de cha?ne que l'on peut tisser une toile entière, n'est-ce pas ? ?

  Il me rendit la tablette : ? Sphinx, c'est à ton tour de me raconter une histoire. ?

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