Kabi appelle un faucon auquel il accroche un message sur sa patte et l'envoie au loin vers Subaku.
- Nous verrons ce que vaut la parole du Dragon.
- Commandant... ? s'affole son soldat.
Kabi avait pris la décision de se sacrifier lui et ses hommes pour le bien de son village. Tsukinoko pousse du pied ses hommes qui tombent à plat ventre devant lui, l’appelant à l'aide. Mais ce dernier vient s'agenouiller à c?té d'eux, dos à elle.
K? se demande s’il fallait vraiment la laisser continuer sur sa lancée, mais Shikaru tanne que malgré les règles piétinées, la réussite de la négociation pourrait vraisemblablement éviter un conflit entre les deux pays.
Affligés, les hommes de Kabi la supplient de les épargner. Un des médecins prend discrètement appui sur ses mains pour se relever, et Tsukinoko retire lentement la lame de sa nuque.
- Si tu fuis, tu désobéiras et Hanamaru déclarera la guerre à Subaku.
Il se braque mais la panique les gagne tous les trois.
- Je-je... bégaye-t-il. Je ne veux pas mourir... Pitié...
- Ce n’est pas moi qui prends cette décision. Tu es responsable de tes actes, dit-elle sèchement.
- Je... Peu importe ! hurle-t-il en se relevant brusquement.
Il s'enfuit à toutes jambes et les deux autres le suivent, tentant désespérément de sauver leur peau. L’épée de vent de Kabi siffle l’air et s’abat sur eux, arrêtant net leur course. Il se ragenouille devant Tsukinoko, prêt à recevoir son chatiment.
Sa prestance dans son dos hérissait les poils de sa nuque, alors qu’elle s'exclame solennellement en jetant un poignard à ses pieds.
- Tes hommes n'ont aucun honneur, préférant sauver leur propre peau que leur village. Qu'en sera-t-il de toi ? Tu es le dernier élément pour assurer l’avenir de Subaku.
Après une grande inspiration, Kabi saisit l’arme, devant mettre un terme lui-même. Un silence pesant envahit l'atmosphère, puis il précipite la lame vers son c?ur d'un coup franc. Au dernier moment, Tsukinoko lui attrape les mains.
- Tu as prouvé que tu étais prêt à donner ta vie pour Subaku. Tu es un Soldat honorable, Kabi, et je me souviendrais de ton nom, sourit-elle.
- Comment ? s'étonne-t-il.
- Remercie-moi de t'accorder une seconde chance pour t'occuper de tes hommes qui n'en ont rien à faire de leur village. Vous n'êtes pas dignes d'être soldats, Hanamaru ne viendra jamais se salir les mains avec un village si désolant que le tien. Le traité de paix n’est qu’une reconnaissance de dettes pour toutes les fois où Hanamaru a épargné Subaku.
- Espèce de... !
- Tu as donné ta parole de ne rien retenter, n’est-ce pas ? Alors respecte-la, toi qui étais prêt à te sacrifier. Il faut bien que Subaku ait au moins un soldat respectable pour laver son honneur. Disparais, souffle-t-elle sèchement.
Il enrage devant son insolence, et malgré son air méprisant, il se contient pour respecter son geste. Kabi dispara?t dans les collines rocheuses au loin, et Tsukinoko s'évanouit aussit?t, l’angoisse et les efforts surhumains ayant eu raison d’elle.
A Hanamaru, Shikaru missionne des équipes de garde pour surveiller les alentours du champ de bataille quelques temps, pour s'assurer que Subaku avait effectivement tourné les talons. Les préparatifs en vue d’une offensive sont arrêtés, et les soldats de Hanamaru retournent chez eux en échangeant de discrets commérages sur Tsukinoko et ses exploits. Cette dernière avait été soignée, puis immédiatement appelée auprès du Chef le soir-même. Ne sachant à quoi s’attendre, elle fait la moue en entrant dans le bureau, avant de s'asseoir au bout du bureau comme à son habitude.
- Tu n'as donc aucune tenue ? s'agace Haruo en frappant du poing sur le bureau. Tu désobéis à ton responsable d'escouade, à ton Chef, et ensuite tu te présentes ainsi devant lui ? Tu n'as donc aucun respect pour tes a?nés ?
Elle n'ose pas répondre devant son air si lassé, si dé?u, si énervé, et pose un genou à terre en baissant le regard.
- Où est le reste de ton équipement ?
Elle se rappelle avoir détruit elle-même son masque de porcelaine et n'ose alors pas répondre. Haruo soupire et retourne s'asseoir.
- Tu as enfreint les préceptes suivants du Code Soldat ; règle n°1 : un soldat doit obéir aux règles. Règle n°7 : un soldat doit obéir aux soldat plus élevés que lui sur l’échelle hiérarchique. Règle n°8 : un soldat doit effectuer la mission qui lui a été confiée sans poser de question. Règle n°11 : un soldat ne peut se prétendre au-dessus des lois. Règle n°14 : un soldat doit travailler dans l’ombre. Règle n°20 : un soldat ne doit pas pratiquer les techniques interdites par son village. Règle n°27 : un soldat ne doit partir en mission que quand tous les avantages possibles sont de son c?té. Tu as commis sept fautes graves et ton chatiment en sera conséquent. Cependant, les forces armées de Subaku ont été réduites et repoussées grace à toi, tu n'es donc pas révoquée grace à ton geste et ta négociation fructueuse. Après concertation avec ton supérieur, le Conseil de Hanamaru a décidé de te mettre à pied pour une durée de sept semaines. Si tu revêts ton équipement soldat ou interviens dans une mission quelconque, tu seras immédiatement révoquée.
Tsukinoko serre les dents de colère mais accepte sa punition. Elle avait désobéi mais ne regrette rien, surtout après sa réussite.
Sans parvenir à se retenir, elle se met à pleurer de frustration, toujours immobile, et Haruo s'écrie aussit?t en voyant une larme goutter par terre.
- Règle n°25 : en quelque situation que ce soit, un soldat ne doit jamais laisser transpara?tre ses émotions, le soldat n’a pas le droit de verser des larmes. Tu obtiens une semaine supplémentaire de mise à pied. Ressaisi-toi, dit-il durement.
Tsukinoko dispara?t sans rien dire et se dépêche d'aller rendre sa tenue pendant sa probation. Elle arrive dans les vestiaires des quartiers pour se changer, outrée et dégo?tée, mais y trouve l'escouade et d'autres agents. D’un mouvement uniforme, ils se retournent à son arrivée et elle grimace. K? se met à applaudir seul, puis il est suivi par les autres qui lui font une ovation en frappant les casiers, créant un brouhaha qui résonne dans la grotte.
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- Wou-Hou ! Le Dragon a br?lé Subaku ! vante l'un d'eux.
Elle se met à rougir d'embarras avant de fuir derrière un paravent pour se changer, même si elle n'en est pas moins flattée. Dans son casier, sa tenue complète de soldat ainsi que ses équipements d’agents gisent tristement. Sur le pas de la porte, elle bute contre K? qui la prend sous son bras avec son air malicieux.
- Tu vas où comme ?a ? On va boire un verre avec les autres pour ta victoire, et pour Y?ji.
- Y’a rien à fêter, siffle-t-elle sèchement.
Il s'étonne de son peu d'enthousiasme et la suit des yeux jusqu'à la sortie des vestiaires. Kakashi, dans le passage, ne se pousse pas alors qu'elle le foudroie du regard.
- J’ai laissé mes équipements dans mon casier, pour qu’ils y prennent la poussière, lance-t-elle avant de le bousculer pour sortir.
- Elle est pas virée quand même ? s'étonne K? après un temps de réflexion.
- Elle est mise à pied pour deux mois, répond Kakashi.
Tout le monde s'étonne mais il les fusille du regard, et les agents reprennent leurs occupations sans rien ajouter.
Tsukinoko, après une longue douche bouillante, vida ce qu’il restait dans son frigo, noyant sa frustration dans la nourriture. Elle passa la soirée à dessiner pour se changer les idées.
Au beau milieu de la nuit, incapable de trouver le sommeil, elle enfila une longue robe en laine pour sortir. Au Mémorial de Hanamaru, elle appelle Yukihyō avant de s'agenouiller devant le monument. Après lui avoir expliqué la facheuse situation, il s'allonge derrière elle pour lui tenir compagnie. Tsukinoko pria pour Y?ji, demanda pardon pour ses fautes, pardon à ses parents. Elle se laisse tomber sur Yukihyō et s'enfonce dans son pelage pour méditer, faire le tri dans son esprit, au chaud dans sa fourrure.
Le chant des oiseaux accompagne l’aube, et Tsukinoko se réveille en sentant quelqu'un arriver derrière elle. Yukihyō hume l’air, puis lève la tête avant de grogner silencieusement. Kakashi, qui venait se recueillir là tous les matins, s'étonne de la trouver ici.
Toujours furieuse contre lui, elle l'ignore et se blottit à nouveau contre Yukihyō. Mais il reste planté derrière eux.
- Qu'est-ce que vous voulez ? s'écrie-t-elle sèchement sans daigner le regarder.
- Je suis venu me recueillir, dit-il en levant un sourcil devant sa politesse. Je ne voulais pas te déranger.
- Attendez votre tour.
- C'est ce que je fais.
Elle soupire bruyamment, se retenant de faire une remarque.
- Serait-ce possible d'avoir un instant ? insiste-t-elle.
Il recule d'un pas.
- J'aimerais finir de me recueillir en paix.
Il recule encore de quelques pas tandis que Yukihyō le suit des yeux.
- Seule, dit-elle sèchement.
- Tsukinoko, je-
Yukihyō feule violemment sur lui, ressentant l'agacement de Tsukinoko. Enfin, il avait quitté les lieux. Elle se dégourdit les jambes une seconde pendant que Yukihyō se roulait dans la terre pour se lisser le pelage.
- Dis, y a de quoi manger dans la forêt ? demande-t-elle tout à coup.
- Les animaux sont toujours en hibernation, le printemps n’est pas encore vraiment là. Je vais rentrer chaton.
Elle lui fait un calin puis retourne en ville faire des courses.
Les jours suivants, Tsukinoko profitait de sa mise à pied pour ses loisirs et s'entra?ner de son c?té. Elle avait hésité à aller voir Haruo, ne sachant pas si elle avait le droit de travailler.
Au bout d'à peine un mois, son compte se retrouve à sec à force d’avoir abusé de virées shopping avec Hina, de sorties et de restaurants avec ses amis pour s'occuper alors qu'elle ne recevait plus de salaire. Elle avait même réapprovisionné entièrement son matériel de peinture et acheté les premiers volumes d'une nouvelle collection de romans.
Elle était retournée voir Haruo entre temps pour prendre la température avec lui, mais il lui avait fait la morale. Même si ses initiatives étaient courageuses, Tsukinoko prenait de grands risques. Une semaine plus tard, alors qu'elle ouvre son frigo pour le petit déjeuner, elle grimace car il était désespérément vide. Quelques minutes plus tard, apprêtée d’un jogging et d’un débardeur noirs, d’un gilet blanc doublé pour l'hiver et dégradé de violet jusqu'en bas, elle entrait dans la Résidence pour demander une avance à Haruo, ou qu'il la reprenne à ses c?tés.
Les cheveux au vent, elle passe devant une salle de repos et aper?oit à l'intérieur Mikio et Takeshi, l’air épuisés malgré l'heure matinale. Elle leur fait signe de la main mais Takeshi rale aussit?t.
- Ohé le thon ! Tu comptes reprendre quand le travail ?! Le Chef nous refile toute ta paperasse !
- Ah bon ? glousse-t-elle. D’ici trois semaines, mais-
- Trois semaines ?!
- Calme-toi Takeshi, rale Mikio. Sinon on serait en train de se battre contre Subaku à cette heure-ci, soupire-t-il.
- Peut-être... ?a resterait moins chiant que de la paperasse.
Tsukinoko se balade dans la pièce en discutant avec eux un instant, puis trouve un livre au milieu du travail abandonné. L'intitulé du livre ? Guide de l'Amitié et de la Communication Sociale : Petits Rituels Simples Pour les Gens Introvertis Ou Atypiques ?(?) attire son attention. Sans gêne, elle s'empresse de le feuilleter et décortique les petites fiches qui donnaient des conseils pour entretenir ses relations avec ses proches.
- Ohé tu m'écoutes ? rale Takeshi.
- Hein ? se reprend-elle.
- Je disais que si t'acceptes de faire mon travail je t'offre une bo?te de patisseries par jour.
- Marché conclu, s'amuse-t-elle. De toute fa?on j'allais voir Haruo pour qu'il me reprenne, je suis à sec.
- Sérieux ? se réjouit-il. Enfin libres !
- On doit aider les profs à finir la paperasse de l'examen d’entrée, te réjouit pas trop vite, ricane Mikio.
- Et je prendrais quand même les patisseries en échange, ajoute-t-elle.
Alors que Takeshi continue à raler, Tsukinoko s'allonge sur la banquette à c?té de Mikio pour lire. Ils continuent à discuter et elle décrypte les petits fiches, que le propriétaire du livre avait annotées pour la plupart.
? Comment remercier implicitement quelqu'un après qu'il ait réalisé une action qui vous fait plaisir ;
Comment être à l'aise avec une personne qui vous intimide ou est trop extravertie à votre go?t ;
Comment exprimer son pardon après avoir blessé quelqu'un ;
Vous ne savez pas comment expliquer vos choix et la personne vous en veut ?
Plusieurs conseils étaient donnés et quelques-uns étaient entourés, il y avait là des tas de cas de figure, de notes. Un espace était laissé pour faire sa propre liste de cas. Sous le cas de figure ? Votre comportement agace les autres ? il était conseillé de détourner l'attention de la personne en lui offrant quelque chose pour qu'elle oublie, qui lui ferait plaisir, comme une peluche. Le guide apportait des conseils pour s'habituer aux interactions sociales. Pourtant, les notes laissaient ressentir le manque d’intérêt et la lacheté du propriétaire. Tsukinoko grimace, essayant de deviner quel genre de coincé aurait besoin de tels conseils. Sur la page de garde, un petit mot lui donna réponse :
? Bon anniversaire Kakashi ! à 18 ans, il serait temps que tu sortes de ta bulle
Hina ?
- Hein ?! s'étonne-t-elle à voix haute.
- T’as dit quelque chose ? se retourne Mikio.
- Non rien... marmonne-t-elle perplexe.
Tsukinoko va en vitesse reposer le livre, terriblement gênée en comprenant qu'elle était allée fouiner, malgré elle, dans l'intimité de son responsable. Ses efforts attendrissent son ressentiment envers lui depuis ses reproches suite à l’incident de Subaku.
Elle rejoint la salle jaune de travail du Chef en hésitant, puis pose un genou à terre à quelques pas de l’estrade pour le saluer.
- Repos, dit-il en posant sa plume. Que t’arrives-t-il ?
- Bah... réfléchit-elle. Au fait... Je me demandais si t’avais besoin de moi, dit-elle la bouche en c?ur, je peux revenir t'aider de temps en temps, ou même tous les jours ! Et puis j'ai rien à faire maintenant donc je peux faire des heures supplémentaires tu sais !
- Le trésorier de la Banque m'a averti que tu avais retiré ce qu'il restait sur ton compte la semaine dernière. Maintenant que ta garde-robes est pleine tu as besoin de sous, n’est-ce pas ?
Sa perspicacité la laisse sans répartie. Elle le dévisage d’une vilaine grimace défaite, avant qu’il ne lui tende un chèque. Son parrain lui avait donné de quoi tenir un mois. Toutefois, Tsukinoko avait quand même envie de s'occuper et redemande alors avec un petit sourire.
- Dis, je peux quand même venir travailler avec toi ?
- Non, tu es mise à pied Tsukinoko.
- M’emmerde... T'es toujours faché Jījī ? hésite-t-elle tristement.
- Ce n’est pas la question, dit-il en reprenant son travail. Tu dois assumer les conséquences de tes actes.
Il la chasse de la main et elle va prévenir Takeshi qu'il allait devoir se débrouiller finalement.