De longues heures plus tard, le soleil se leva, dont les rayons chatouillèrent le visage de Kakashi. La rosée le fit frissonner.

  Il se réveille enfin, rouvre doucement les yeux, et se devine au fond d’un cratère, qui avait repoussé sur plusieurs mètres toute flore et la terre humide. Il s’appuie sur une main pour se redresser, retrouvant sa mobilité, mais le sol sous sa paume était mou.

  Il baisse les yeux.

  Il s’appuyait sur le corps de Tsukinoko, qui baignait dans une flaque de sang séché. Tétanisé, il retire brusquement sa main, croyant encore il y a quelques secondes que leur chute n’était qu’un mauvais rêve.

  Dans la flaque vermeil, deux parchemins et le manche du sabre étaient collés au sang visqueux, indemnes. Sans attendre, il fourre les affaires dans sa poche et prend Tsukinoko dans ses bras, dont la tête balan?ait dans le vide.

  Transgressant à son tour le code.

  Le soleil avait déjà bien avancé dans le ciel, lorsque Kakashi pénètre dans une grande ville. Les jambes tremblantes de peur et d’épuisement, il trébuche au beau milieu d’une avenue mais reste à quatre pattes, pétrifié. Tsukinoko, sur son dos, n’avait toujours pas donné de signe de vie.

  Haletant, il la dépose contre le mur d’une maison, essayant encore de la réveiller. Il devait tenir sa tête pour qu'elle reste assise, les yeux entrouverts. Depuis combien de temps, combien de kilomètres avait-il parcouru, portant sur son dos son amie sans vie.

  - Tsukinoko... Réveille-toi ! hurle-t-il.

  Les passants sursautèrent, observant silencieusement les agents masqués. Kakashi reprend brusquement son souffle et, dans un profond déni, la reprend sur son dos en partant à toute vitesse.

  Courant au hasard dans les rues, fuyant le Dieu de la mort qui les suivait, ses doigts agrippés sur les épaules de Tsukinoko avec ceux de ses défunts amis, prêts à l'emmener dans l’autre monde.

  Au détour d’une large place, il débouche sur un h?pital. Il surgit en trombe à l’intérieur, appelant à l’aide, et des médecins lui prennent immédiatement Tsukinoko des bras pour la poser sur un brancard. L’un d’eux l’ausculte aussit?t, posant plusieurs fois son stéthoscope sur ses c?tes, sur sa poitrine, puis se redresse.

  - Son c?ur s’est arrêté.

  Le temps se fige dans la pièce alors qu'il repose son stéthoscope autour de son cou.

  Le sol s’effondre sous les pieds de Kakashi.

  Il entend qu'on lui crie dessus, mais n’arrive plus à discerner si les voix venaient des médecins devant lui qui s'agitaient, ou des démons dans son dos qui lui plantaient des poignards en plein c?ur, lui hurlant qu'il avait encore trahit sa promesse.

  Tout à coup, il ressent une violente douleur dans l’épaule, comme un coup, et reprend ses esprits alors que K? lui aboyait dessus à c?té de Kimaru.

  - Qu'est-ce qu’il lui est arrivé ?! On vous cherchait partout !

  Les médecins le regardaient aussi en attendant de savoir ce qu'il se passe, et celui qui venait de poser son stéthoscope l'ausculta encore, un air dubitatif sur le visage.

  Kakashi se mit à bégayer, bouleversé, incapable d'expliquer la situation. Tout à coup, les médecins s’en vont avec Tsukinoko, les laissant là tous les trois.

  Une infirmière arrive et les emmène jusqu’à une salle isolée à l’écart. Kakashi s'effondre sur une chaise en tremblant de tout son corps, le sang de son amie sur ses mains.

  L'infirmière revient, comprenant qu’ils étaient agents secrets, et leur promet la confidentialité.

  - Ecoutez, l’agent Sato a très peu de chances de s'en sortir, je préfère vous prévenir. Les médecins ont décelé de l’activité cellulaire, malgré que son c?ur ait cessé de battre. Je vous tiens au courant dès que j'ai des nouvelles. Qui est son responsable ? demande-t-elle en retournant au bureau. Je vais le prévenir et prévenir le Chef vu que vous êtes des forces spéciales.

  - C'est... moi, dit honteusement Kakashi.

  - Vous souhaitez rester ou vous rentrez à Hanamaru ? demande-t-elle aux deux autres.

  - On reste, répondent-ils en ch?ur.

  Elle finit sa paperasse et prépare la lettre pour le Chef qu'elle envoi de suite pour le prévenir de la situation. Alors qu’elle relève la tête, Kakashi avait disparu.

  Perché sur le toit de l’h?pital, plongé dans un cauchemar, il sombre dans le désespoir. Se reprochant d'avoir manqué d'attention, d'être responsable de son état, de n'avoir pas agi à temps, ni ce matin ni la veille, ni lorsqu'il avait vu son état, de commettre les mêmes erreurs qu'avec ses défunts amis, de ne pas avoir tenu sa promesse de la protéger.

  Il se prend la tête entre les mains en refusant de croire qu'elle est morte, même si elle l'était dans ses bras quelques minutes auparavant.

  Le soir-même, Kimaru et K? étaient toujours là, dans la pièce blanche aux néons grésillant. Les médecins reviennent enfin, pour annoncer que Tsukinoko s'en était sortie de peu.

  Sans comprendre comment, ses cellules vivaient toujours, bien que son c?ur ne battait plus, comme alimentées par une énergie indiscernable. Dans un état second, proche du coma médicalement parlant, proche d’un miracle autrement.

  Son état était fragile mais stable, les médecins avaient réussi à faire repartir son c?ur qui avait repris ses fonctions. Ils se dépêchent d’aller la voir, mais tombent sur Kakashi, assis sur un banc dans le couloir, devant sa chambre. Le regard dans le vide, il ne les salue pas. Kimaru approche d’un pas hésitant.

  - Vous allez bien ? demande-t-il doucement. On nous a dit que vous étiez arrivés juste à temps... Elle est tirée d'affaire maintenant, sourit-il.

  Il ne répond pas.

  - Elle est coriace, elle va vite s'en remettre, le rassure K?. Qu’est-ce qu’il s’est passé alors ? C’est Hebimaru qui l’a mise dans cet état ?

  - Non. C’est moi, répond-il enfin.

  Kimaru et K? échangent un regard choqué. Kakashi leur explique alors que Tsukinoko avait sauté, pour le sauver. Malgré que la mission soit remplie, K? ne p?t retenir un mouvement de colère.

  - Avec toutes tes conneries sur l’esprit d’équipe, si elle s’en était tenue au code de la Colonie elle serait encore debout à l’heure qu’il est !

  K? soutient son regard noir malgré Kimaru qui essaye de le calmer, pris au dépourvu. La journée avait été agitée, perturbés de la tournure qu'avaient pris les évènements et la tension se ressentait autour d’eux.

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  - A cause de toi, ajoute-t-il. Elle a décidé de te faire confiance et voilà le résultat. Elle aurait mieux fait de te laisser t’écraser au sol comme une vieille merde, tu-

  - K?... chuchote Kimaru pour le raisonner.

  - Non j’arrêterais pas ! Elle était le meilleur des agents, et en tant que son chef, tu la tires vers le bas avec toi ?! T’as oublié qu’on était aux services spéciaux, y a pas la place pour les sentiments ici. Enfin ?a tu le comprends que maintenant, hein, quand c’est trop tard ! Si t’es pas capable de faire ton travail correctement, t’as rien à faire ici, tu-

  - Ce n’est pas le moment... se désole Kimaru.

  K? repousse Kimaru d’un mouvement énervé puis arrache les parchemins des mains de Kakashi, avant de s’en aller les retourner à Hanamaru sans eux, son masque sur le visage. Sa mission était terminée.

  Kimaru lance un regard peiné à Kakashi qui n’avait pas bougé et s'écrie mal à l'aise.

  - C'est vrai, explique-t-il calmement. Mis à part ?a, vous... Il semble que vous perdiez souvent de vue les ambitions de la Colonie ces derniers temps. Ce n'est pas notre r?le... Pas à la Colonie.

  Kakashi soupire, au pied du mur. Il quitte les lieux pendant que Kimaru va voir Tsukinoko rapidement, avant de rattraper K?.

  Tard dans la nuit, Kakashi se retrouve devant la chambre de Tsukinoko et hésite, ne se sentant pas à sa place. Il cherche alors un médecin pour demander de ses nouvelles, mais une petite voix à l'intérieur le tire de ses pensées.

  - T'as le droit de rentrer... tu sais ?

  Il passe la tête à travers la porte et la voit assise sur un lit avec des bandages dépassant de sa tunique d'h?pital, un masque à oxygène sur le nez, toujours avec le sourire malgré son état.

  Il serre les dents et reste debout à quelques pas du lit, sans arriver à dire quelque chose. Elle retire tout à coup son masque et son sourire s'efface avant qu'elle ne baisse honteusement la tête.

  - Je suis désolée... dit-elle d'une petite voix. Je vous ai entendu tout à l’heure. C’est pas ta faute...

  Il la regarde avec étonnement alors que c'était lui qui était venu présenter ses excuses, et s'offusque presque en l'entendant. Elle avait failli y rester, entre la vie et la mort pendant des heures interminables, mais elle ne s'inquiétait que de la réussite de la mission à son réveil. Ou plut?t, comme un agent le devrait.

  Il perd ses moyens et ne sait plus quoi penser, tellement heureux de la voir en vie mais accablé en la voyant s'apitoyer sur son sort et s'excuser devant lui.

  - Je... Désolée Kakashi, murmure-t-elle en baissant la tête. Boss. C'est la dernière fois... Promis-

  - Arrête ! crie-t-il sèchement tout à coup.

  Elle lève les yeux et le regarde avec appréhension en pensant qu'il allait la sermonner. Il n'arrivait pas à se retenir, en colère contre lui-même d'entendre ses excuses.

  Elle le dévisage avec angoisse prête à recevoir un blame alors qu'il s'avance vers elle les mains dans les poches et le regard noir.

  - Arrête de t'excuser. Tu n'as rien fait. C’est entièrement ma faute. Arrête de faire comme si ce n'était rien. De ne rien dire alors que tu agonisais ! Depuis des heures Tsukinoko ! se désole-t-il en perdant le contr?le. "Règle n°18 : Un ninja doit posséder une bonne santé mentale et physique", cite-t-il. Tu n'avais rien de tout ?a ! s'écrie-t-il avec un geste brusque. Arrête de croire que tu es insupportable ! Que tu fais toujours tout de travers ! s'emporte-t-il. Que tu n'es qu'une imbécile qui fonce tête baissée à chaque fois ! Arrête de croire que c'est toi qui as fauté alors que j'aurai d? veiller sur toi ! Que tu aies échoué alors que tu étais mor- tu étais mor-... tu es ici maintenant... dit-il tristement en reprenant son souffle.

  Sans voix, elle ne sait pas quoi dire, puis remarque plus attentivement qu'il avait les larmes aux yeux. Perdue et bouleversée, il la prend dans ses bras en la serrant de toutes ses forces avant qu'elle ne puisse répondre.

  Elle le laisse faire, surprise, et le serre à son tour. Il se redresse enfin mais elle perd son souffle à force de parler sans s'arrêter et il reprend ses esprits en l'entendant toussoter, sorti de ses pensées.

  - Tais-toi et repose-toi, dit-il impassible.

  Elle allait répliquer mais s'avoue vaincue en reprenant son souffle dans son masque et le fusille du regard.

  - Cela ne se reproduira pas, annonce-t-il.

  Elle l’interroge du regard mais il fixait devant lui, le visage indiscernable. Elle lui sourit tendrement, essayant de ne pas s'inquiéter devant son air abattu.

  - Donc... ? Qu’est-ce qui se reproduira plus ? demande-t-elle en le voyant perdu dans ses pensées.

  - Tu es le meilleur agent de l’agent de la Colonie, je sais que tu ne te laisseras jamais avoir, tant que tu ?uvreras de ton c?té.

  D’une grimace, elle feigne d’être d’accord avec lui, tentant de comprendre ses sous-entendus. Il fouille dans sa sacoche et en sort le guide que Tsukinoko lui avait offert à No?l, puis le pose sur le lit à c?té d’elle.

  - Ah, t’as pu le feuilleter un peu ? se réjouit-elle. Alors, est-ce que t’as trouvé quelque chose qui te rend heureux ?

  - Oui, dit-il en la regardant dans les yeux, mais j’ai compris qu’il valait mieux que je m’en éloigne. Dorénavant, tu es radiée de l’escouade Ro. Le Chef personnellement s’occupera de toi.

  Juste avant de faire demi-tour, il imprime une dernière fois son visage dans son esprit, puis se dirige hors de la chambre. Il commence à s'éloigner les mains dans les poches sans se retourner, et Tsukinoko crapahute hors du mince drap d’h?pital jusqu’à la porte, retenue par les cathéters dans ses bras.

  - Comment ?a radiée ?! crie-t-elle outrée. Qu'est-ce qu'il a celui-là... murmure-t-elle. Mais attends Kakashi ! crie-t-elle.

  Un mauvais pressentiment l'envahit tout à coup et elle sent que quelque chose ne va pas du fond de ses entrailles.

  Il s'éloigne en la laissant plantée là. Elle reste figée, le froid du carrelage beige lui gla?ant les pieds, et le regarde lentement dispara?tre au bout du couloir.

  Seule dans sa chambre d’h?pital, Tsukinoko dessinait, perdue dans ses pensées. Elle finit par s’endormir, le carnet posé sur ses genoux. Sur le papier avait été gravé au fusain noir une vallée remplie de fleurs, avec au centre une petite maison en bois. Les cloisons étaient foncées, un petit jardin se trouvait à l'arrière.

  Trois silhouettes se tenaient la main devant la maison, dessinées abstraitement. Celle de gauche avait de longs cheveux noirs et une carrure large, celle de droite une silhouette fine avec une tresse, et celle du milieu, plus petite que les deux autres, arborait un grand sourire en les tenant par la main.

  Quelques jours plus t?t, Kakashi était arrivé à Hanamaru après K? et Kimaru. Aussit?t convoqué par le Chef, il arrive dans son bureau en pleine nuit. Ce dernier fumait sa pipe, et lance sans le saluer.

  - Hebimaru s’est alors enfui.

  - Il avait un marché avec Doro, mais il les a trahis pour conserver les documents. J’ignore ce que son organisation compte en faire, répond Kakashi, un genou à terre et son masque sur le visage.

  - Je vais les faire surveiller pour tenter de découvrir leurs intentions. Ils deviennent de plus en plus mena?ants.

  - Très bien.

  - Kakashi, dit-il d'un ton sérieux, j'avais remarqué tes écarts depuis un moment. Je te rappelle qu'en tant que chef, tu es censé guider ton escouade pour mener à bien la mission. Et c'est tout. Tu n'as pas à prendre des initiatives selon ton bon vouloir. Et que tes subordonnés viennent se plaindre montre que c'est allé trop loin.

  Il l'écoute sans rien dire en acceptant son sermon et reconnaissant ses fautes.

  - Si tu ne veux pas que je t’attribue une nouvelle escouade ou te rétrograde, tu as intérêt à te reprendre, continue-t-il. Ton comportement ne doit pas mettre en danger ton équipe. Quant à cette mission... Cela ne me regarde pas que vous soyez ensemble, dit-il sèchement, mais cela ne doit pas entraver votre travail.

  Kakashi écarquille les yeux en comprenant à quoi il fait allusion mais Haruo continue avant qu'il ne puisse répondre.

  - C'est la dernière fois que ce genre de situation n’arrive. Je ne tolérerai pas que cela se reproduise, dit-il en le fusillant du regard, n'oublie pas tes priorités et pourquoi tu réalises ces missions. L'enjeu est la s?reté de Hanamaru, vous risquez vos vies pour ?a. Reprend tes esprits et reprend ton équipe en main.

  Kakashi n'ose plus répondre et baisse les yeux, terriblement honteux et coupable. Haruo se relève et croise les mains dans son dos pour conclure son rappel à l'ordre.

  - C'est ton premier et dernier avertissement Kakashi Shiroi. Tu seras immédiatement renvoyé de la Colonie si tu commets à nouveau une faute et transgresse les règles. Rompez.

  Il tourne les talons et se dirige vers la porte sans rien dire, abattu, mais Haruo l’interpelle à nouveau dans un soupir.

  - Ne te sens pas responsable pour ce qu'il s'est passé. Je suis soulagé de la retrouver et qu’elle t’aie sauvée à temps. Mais si tu veux continuer à travailler avec elle sans risques, apprend à faire la part des choses. Quoi qu’il en soit, je vous observe depuis des années. J’ai remarqué qu’elle était devenue la part de lumière qui t'empêche de sombrer dans les ténèbres, sourit-il. Tu sais, elle est beaucoup plus forte que tu ne le crois, dit-il d'un air nostalgique. Elle va vite me dépasser, et même dépasser le trio légendaire un jour, j'en suis convaincu. Alors arrête de t'inquiéter pour elle et concentre-toi sur toi. Je sais que tu veux bien faire avec tes coéquipiers. Tsukinoko ne fera désormais plus partie de ton escouade.

  Il reste là quelques secondes, perplexe, puis sort du bureau sans rien dire. Il tra?ne des pieds en rentrant chez lui, honteux, et repense aux événements horribles d'il y a quelques jours et s'en veut encore d'avoir laissé cette catastrophe arriver, de ne toujours pas savoir prendre soin de ses proches et les protéger.