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12. Chasse à lhomme

  Au beau milieu de la nuit, le Chef était enfin rentré d’un pas lourd. Le dépit se lisait sur son visage, et il retira lentement son armure dans le noir, expiant sa colère en silence. Il se laissa tomber sur le petit banc, la tête entre les mains. Se sentant observé, il écarta les doigts pour apercevoir deux petites améthystes n’osant pas approcher, sur le palier. D’un geste de la main, il invita Tsukinoko à entrer, qui s’agenouilla en douceur à ses pieds. Un grand soupir vint faire grossir les perles humides aux coins de ses yeux, qui disparurent alors qu’il leva la tête au plafond. Il posa avec tendresse une main crispée sur les cheveux ébouriffés de sa disciple.

  - Hebimaru a réussi à s'enfuir, dit-il doucement.

  Tsukinoko écarquille les yeux mais il continue.

  - Malheureusement... soupire-t-il, le Chef est censé être irréprochable, mais j'ai bien une faiblesse. J'étais pourtant déterminé à l'arrêter, et j'aurais pu, mais je suis apparemment incapable de tuer un de mes élèves. Et il a profité de cette faiblesse pour s'enfuir.

  Tsukinoko baisse gravement la tête, perplexe de ses aveux car il aurait d? remédier au danger, co?te que co?te, mais elle ne pouvait que compatir avec lui.

  - Les agents ont tenté de l'arrêter ensuite, mais j'en étais le seul capable. Hebimaru est désormais un déserteur, des brigades vont partir à sa recherche immédiatement pour le retrouver et qu'il réponde de ses crimes.

  - Il faisait quoi là-bas ? demande-t-elle doucement.

  - Des expérimentations, nous ne savons pas vraiment dans quel but.

  - Mais, sur des humains ?

  - Il est tard mon petit, retourne dormir.

  - Il est même pas minuit Jījī, marmonne-t-elle. Et tu m'appelles mon petit depuis le début de cette histoire, tu fais ?a que quand t'es inquiet.

  Il rigole doucement, récupère sa main puis soupire un grand coup.

  - Dès son plus jeune age, Hebimaru s'est imposé comme prodige. Ses talents, ses connaissances et sa détermination étaient digne de rares prodiges que l'on ne voit qu'une fois par siècle. Il était le plus prometteur du trio, son génie aurait été un atout majeur pour le village. Malgré tout, j'avais remarqué son ambition et son désir malsain de puissance.

  - Et maintenant ?

  - Tout ira bien, j'ai la chance d'avoir un autre petit prodige avec moi, en espérant ne pas commettre les mêmes erreurs. Allons dormir un peu.

  - Hein ? s'étonne-t-elle. Non je veux dire-

  - Je dois réunir les brigades pour retrouver Hebimaru au plus vite, ne discute pas.

  Tsukinoko, amère envers Hebimaru, échafaudait divers plans pour le retrouver et le faire payer. En boule dans les draps, elle attendait qu’Haruo se couche pour partir en chasse, mais ce dernier ressort habillé et s'en va sans faire un bruit.

  D’un pas encore plus discret, elle le file jusqu’à son bureau où il re?oit quelques agents, dont celui aux cheveux gris, blessé après avoir tenté d’arrêter Hebimaru.

  La filature avait repris, jusque dans les derniers sous-sols à l’écart de la Résidence, des terriers lugubres, sombres, dans lesquels elle s’engouffrait à travers des conduits qui s’entremêlent dans les fondations de Hanamaru. Enfin, un batiment nommé ? Réserve de la Colonie ?, qui se fondait dans la grotte. Le Chef rassemble ses agents secrets sur les marches, accompagné de Sagi.

  - Cette convocation d’urgence concerne le fugitif Hebimaru. Nous devons vite l’appréhender. D’après nos informations, Hebimaru est sérieusement blessé. Vu son état, fuir le pays du soleil lui sera très difficile. Ecoutez-bien. Le savoir d’Hebimaru, ses informations et ses sorts, sont très précieux pour Hanamaru. S’il est possible, tachez de le capturer vivant. Mais si jamais il a quitté le pays du soleil, c’est l’existence de Hanamaru qui sera en péril. Rompez !

  Ils remontent tous à la surface sans attendre. Tsukinoko sentait encore vaguement la trace d’Hebimaru, elle aussi avait une chance de le rattraper, d’autant plus que l’agent dans son bureau plus t?t avait indiqué la route qu’avait prise Hebimaru dans sa fuite. Alors qu'elle se redresse une fois tous partis, elle sent brusquement Sagi qui la toisait d’un ?il.

  - Que feras-tu si tu le trouves ?

  - Le ramener ici, comme a dit Jījī.

  - Le Chef n’a pas osé demander la mise à mort d’Hebimaru car il est encore trop attaché à son disciple. Tu as pu le remarquer, n’est-ce pas ? Il souhaite ramener ce dangereux criminel à Hanamaru et s?rement l’acquitter pour ses crimes. C’est pour cela qu’il a demandé à le capturer vivant, conclut Sagi.

  - Quoi ? s’offusque-t-elle.

  - Je vais te confier une mission qu’il n’a pas osé confier à ses agents. J’ai envoyé un de mes hommes préparer un guet-apens pour Hebimaru. Tu vas le retrouver et le guider jusqu’à cet endroit en repoussant les autres agents, qui chercheront aveuglément à le ramener à Hanamaru, puis l’agent sur place se chargera de l’éliminer. Le Chef peut parfois se tromper, Tsukinoko, dit-il devant son air surpris, mais moi en tant que conseiller je ne perds jamais de vue le plus important. Crois-tu que ce soit en le ramenant ici que le village sera en sécurité ?

  - Nan, mais si-

  - Si tu réussi cette mission, je te promettrais directement agent spécial. Tu seras en sécurité avec moi. Tu en as largement les capacités, mon enfant, sourit-il narquois.

  Ne pouvant nier la justesse de son raisonnement, après avoir été témoin de l’état duChef plus t?t dans la soirée, le doute s’emparait d’elle. Elle prend une grande inspiration puis se résout, étant prête à tout pour la sécurité de Hanamaru.

  - Comment je peux reconna?tre ton agent ?

  - Eh bien. Il ma?trise un élément unique, et il a un masque aux traits verts et rouges. L’endroit se trouve à la frontière sud du pays.

  Tsukinoko prend son élan mais une main se pose sur son épaule pour la retenir, et elle se retourne en grima?ant devant Haruo.

  - Tu ne vas nulle part. Elle ne fait pas partie des forces spéciales, Sagi.

  - Elle devrait, dit-il en tournant les talons. Elle est déjà bien plus discrète que tes agents, qui ne l’avaient pas remarquée. Elle était ici depuis le début, lance-t-il avec arrogance et sous-entendus.

  Ramenée de force dans les appartements du Chef, Tsukinoko se rua sur sa penderie à peine la porte refermée derrière elle. Un discret samue noir sur le dos et ses sabres en main, elle resta tapie dans son lit jusque ce que Ren s’endorme à c?té d’elle, puis s’éclipsa dans la cour de la Résidence.

  Le batiment grouillait de soldats, la sécurité avait été renforcée et elle attendait le moment opportun pour s’enfuir. Alors qu’un agent tourna dans le couloir extérieur, elle fit un pas mais marcha sur un bout de tissu, enroulé autour d’un masque entièrement blanc.

  Hésitant à désobéir, mais ne pouvant rien faire, elle se para du masque et dispar?t dans la nuit, anonyme.

  Grace à son aura, Tsukinoko repérait les agents autour d’elle et déviait sa route. Yukihyō et Pansa furent appelés à la rescousse une fois arrivée sur les lieux du combat contre l’agent. Les panthères retinrent l’odeur d’Hebimaru grace au sang de sa blessure.

  Les heures passèrent puis le jour se levait, et Yukihyō sentit des chiens ninjas qui ratissaient les lieux, de plus en plus proches derrière eux. Certains de toucher au but, ils hatèrent leur traque. Quelques minutes plus tard, Tsukinoko aper?u le criminel au loin, titubant entre les arbres. Elle approcha doucement, hésitante, mais Hebimaru se retourne aussit?t. Sa présence lui gla?a le sang.

  - Sagi m’envoie pour t’escorter jusqu’à l’abri. Dépêche-toi, y a des dizaines d’agents à tes trousses, lance-t-elle sèchement en n’osant pas l’attaquer de front.

  Hebimaru hésitait, puis grimpe finalement sur Pansa qui avait feulé sans pouvoir se retenir sous ce poids malsain. Accroupie sur Yukihyō, au galop en tête, le regard insistant d’Hebimaru lui transper?ait la nuque. Yukihyō repère enfin une odeur qui correspondrait à l’agent de Sagi, proche d’un arbre gigantesque.

  Les félins attendaient dehors pendant que Tsukinoko suivait Hebimaru qui s’engouffrait dans l’arbre éventré, mais d’un regard poignant, il lui ordonne de rester là. Les minutes passaient et la présence d’Hebimaru se faisait toujours sentir, accompagné d’autres.

  Anxieuse qu’il lui échappe, Tsukinoko allait entrer à son tour quand une fille la bouscule dans sa course pour pénétrer dans la grotte, avant de dispara?tre en fumée dans le tunnel. Tsukinoko se frotte les yeux, croyant avoir mal vu, avant de foncer.

  Au bout du tunnel, des corps gisaient sans vie dans une immense salle, éparpillés autour d’Hebimaru et de cette fille, qui semblait terrorisée.

  - Approche, s’impatiente Hebimaru. Ton sang est mien.

  Hebimaru avance d’un pas mena?ant après elle mais Tsukinoko bondit en garde pour la protéger.

  - Toi, ton r?le s’arrête ici, s’écrie Hebimaru. La suite ne te concerne pas.

  La fille s’enfuit sans attendre mais Hebimaru est repoussé d’un violent coup de pied de Tsukinoko. D’un mouvement, ses bras se fondent dans son corps et ses jambes s’allongent, son corps devenant encore plus visqueux.

  La pièce s’emplissait de son essence putride, devenu un serpent qui se dressait devant Tsukinoko. Elle lève les yeux, pétrifiée, mais ne pouvait plus bouger. Ses sabres tombent à ses pieds, tremblante de tout son corps. Prise dans son envo?tement, Hebimaru se rapproche dangereusement pour s’enrouler autour de sa proie.

  - Sagi, aurait-il peur de ma?tre Sato ? s’amuse-t-il en sifflant dans son cou. Ou alors, il devrait faire attention à quels agents il confie ses missions. Ses petits mulots ne sont pas encore aptes, tout juste bons à être dévorés vivants.

  Son bras se détache de son corps en arrachant les écailles encore neuves. Il retire le masque de Tsukinoko, le tachant du sang de sa blessure. De ses doigts sveltes, il soulève le menton de Tsukinoko pour mieux lui lécher la joue, se délectant de son essence qui lui faisait crépiter les pupilles.

  Les quelques secondes parussent des heures, avant qu’Hebimaru ne lui remette son masque, n’ayant obtenu aucune réponse sur son identité.

  - Je n’avais jamais encore senti une essence comme la tienne. Sagi ne m’en voudra pas si je lui emprunte un de ses agents, vu le fiasco dont il a fait preuve au lieu de suivre le plan.

  - Le plan ? marmonne-t-elle.

  - Tu vas mourir, alors pourquoi ne pas te dire la vérité, sourit-il toujours. C’est tout à son avantage si Sagi devait se charger de me faire sortir du pays du soleil sans encombre, vois-tu. Disons qu’il a su tirer profit de mes expérimentations lui aussi.

  Hebimaru joint les mains et son corps s’étire pour onduler dans les airs, avant de foncer sur Tsukinoko la bouche grande ouverte, avec ses canines reptiliennes en avant. La fille, vautrée contre les roches, hurlait de terreur en lui implorant de l’épargner.

  Un pan de la grotte s’effondre et une lame brille à la lumière du jour avant de tournoyer droit sur l’homme serpent. Ce dernier s’enfuit par une galerie en rampant, laissant Tsukinoko clouée sur place.

  L’agent aux cheveux gris, arrivé à temps, la libère de l’envo?tement, et le second, celui recommandé, part sauver la fillette. Au lieu d’un remerciement, Tsukinoko le repousse et fonce en le harcelant de questions.

  - Ton bin?me, c’est l’agent avec le masque aux traits rouges et verts ?

  - Ce n’est pas mon bin?me, mais c’est bien lui, pourquoi ? Tu es qui toi ? Ton masque est vierge... Attends !

  La soup?onnant de l’avoir volé, il s’arrête brusquement pour lui arracher son masque et reconna?t aussit?t Tsukinoko.

  - Je me disais bien que c’était toi, fronce-t-il les sourcils. Retourne à Hanamaru immédiatement, et oublie cette histoire. Tu n’as rien à faire ici !

  - Il faut éliminer Hebimaru, pas le ramener à Hanamaru !

  - Ce n’est pas ton problème, va-t’en ! Sagi t’a trompée. Hebimaru est dangereux, tu es en danger ici !

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  Alors qu’elle allait répliquer, ils entendent la fille crier de terreur au fond des galeries et elle profite de sa distraction pour fuir.

  L’agent rejoint alors son collègue et ils décident de se séparer pour retrouver le fugitif. De son c?té, Tsukinoko fait émaner son aura et le repère dans une salle plus profondément sous terre. Perdue dans les couloirs en suivant sa trace, elle s’arrête à l’embranchement de trois galeries. De la brume s’amasse à ses pieds, avant de se dissiper vers une des galeries, d’où elle entendit enfin du bruit. Au bout, une énième salle avec un rocher épais au milieu, dont la cime dépassait le plafond de la grotte.

  La fille était là, en piteux état, derrière les agents face à Hebimaru qui tentaient de lui tenir tête. Le plafond de la grotte commen?ait à s’effondrer à la suite des combats, mena?ant de les écraser.

  Au lieu de se défendre, Hebimaru s’enfuit en se hissant dans une racine creuse. Sans hésiter, Tsukinoko court à même le mur alors que les agents étaient au chevet de la fille. Dans la racine creuse, un éboulement bloquait le passage. Sur les gravats, Tsukinoko faisait tomber les rochers pour se frayer un chemin, tant bien que mal.

  - Eh toi, ?a ne sert à rien ! s’écrie l’agent en bas. Hebimaru a réussi à s’échapper, c’est trop tard. Et puis cela m’étonnerait que le Chef t’ai ordonné de l’arrêter, tu n’es pas un agent spécial.

  - Casse-toi ! crie-t-elle. Je dois l’arrêter ! Si personne ne l’arrête alors je le ferai, crie-t-elle en continuant à pousser un rocher. Je dois le faire pour tous ces enfants ! Pour J?net ! Pour ces gens dans l’?le...

  Les larmes aux yeux en repensant aux laboratoires, aux viscères dans des bocaux, aux yeux écarquillés vides de vie qui avaient d? c?toyer l’enfer avant de trépasser, la haine s’empare d’elle et lui donne des forces pour soulever les rochers dans le passage.

  Une faille se crée enfin, pour révéler le reste de la galerie ensevelie. La sueur de son front goutte dans la poussière et elle reprend son souffle un instant. Elle redescend des gravats puis siffle longuement, et la Colonie lève un sourcil en se demandant ce qu’il lui prend.

  Yukihyō saute subitement près d’eux, discret. Il hume l’air sous leur regard attentif mais rebaisse la tête pour signifier son échec.

  - Vous avez rien fait vous deux, à part courir après cette fille ! crie-t-elle désemparée à la Colonie. Vous êtes la Colonie vous, alors pourquoi t’es pas en train de partir à sa recherche, hein ?! Incapable !

  - Ecoute, tu n’aurais jamais d? découvrir tout ceci, dit-il doucement. Ce travail revient à la Colonie, tu dois être traumatisée après ce que tu as vécu mais-

  Elle le repousse violemment d’un coup de pied en plein dans le foie. Sans avoir rien vu venir, il s’écrase dans les gravats et elle s’en va à toute vitesse sur le dos de Yukihyō. Enfin sortis de la grotte, ils fon?aient vers Hanamaru alors qu’elle ressassait les évènements.

  Pourquoi le Chef travaillerait-il avec Sagi, qui semblait si corrompu, ?uvrant avec un criminel. Dégo?tée, ayant désobéi, l’échec de la capture d’Hebimaru, tout se mélangeait en elle, mais une chose était s?re, rien de gai ne l’attendait à Hanamaru après tout cela. Peut-être le moment était-il venu de fuir, de partir à la recherche de ses parents, avant qu’il ne soit trop tard. Perdue dans ses pensées, une présence derrière elle attire son attention. L’agent était sur ses pas, et Yukihyō se retourne brusquement pour feuler sur lui.

  - Il faut qu’on parle. Sache que si ton existence est tenue aussi discrète à Hanamaru, ce n’est pas par hasard.

  - Hein ?

  - Le Chef te cache derrière lui car il en est forcé par le Conseil. Ils ne te font pas confiance et n’hésiteront pas à utiliser la première excuse pour te faire dispara?tre. Et j’y serai forcé aussi si tu continues à t’obstiner. Tu n’es rien aux yeux du village, cette histoire est bien plus importante que toi, alors ne me force pas la main car tu ne gagneras pas. Et si tu ne veux pas que le Conseil obtienne d’avantage d’arguments en ta défaveur, écoute ce que j’ai à te dire.

  Tsukinoko fronce les sourcils, blessée au plus haut point et éc?urée. Yukihyō grognait aussi, désabusé de ses paroles. Tsukinoko croyait être ici pour protéger le village, un village qui ne voulait apparemment pas d’elle et en viendrait même à la piéger pour s’en débarrasser.

  - Je te confie tout ?a pour ta sécurité. Tu te mets en danger en faisant ce genre de choses. Fais-moi confiance. Et Sagi ne t’a pas dit toute la vérité, il avait envoyé l’agent pour aider Hebimaru.

  Il marque une pause alors qu’elle le fixait sans rien dire, la trahison se lisait dans son regard.

  - Je te couvre pour que tu sois tranquille, si tu promets de ne jamais parler de ce que tu as vu. Viens, je t’escorte jusqu’à Hanamaru.

  Sans daigner le regarder, ils reprennent la route avec Yukihyō, mais il marchait derrière eux, obstiné.

  - Si tu parles de l’autre agent tu risques de le mettre en danger, et cette fille également.

  Tsukinoko réfléchit une seconde. Pourtant, Sagi ne lui avait pas semblé hostile envers Hanamaru, mais elle comprenait qu’il était prêt à tout pour arriver à ses fins.

  - Tu diras quoi à Jījī pour me couvrir ?

  - Que tu m’as suivi pour retrouver Hebimaru en disant que tu avais son approbation.

  - Hein ? s’afflige-t-elle. C’est Sagi que tu couvres, pas moi !

  - Fais-moi confiance.

  - Laisse-moi ! s’offusque-t-elle. Je vais me débrouiller. J’ai pas besoin de ton aide, je me débrouillerai très bien sans toi.

  - Tu ne dois pas parler de ce qu’il s’est passé, sinon je serais-

  - Tiens, j’entends des voix, lance-t-elle avec sarcasme. Une espèce de voix stridente et prétentieuse. Elle s’imagine que j’ai vu des trucs, comme une grotte cachée dans un arbre, pourtant il s’est rien passé, hein ?

  - Je n’ai rien vu, grogne Yukihyō avant de dispara?tre avec elle dans la forêt.

  Dans les archives secrètes de Hanamaru, le système de sécurité avait été désactivé. Les soldats de garde étaient en alerte et les services spéciaux appelés pour mener l’enquête. De l’autre c?té du village, la porte-fenêtre ouverte de l’appartement de Tsukinoko, au dernier étage de l’immeuble, laissait entrevoir des sabres, un masque vierge et une besace pleine à craquer déposés à la hate sur le canapé.

  Un gros pyjama sur le dos, des chaussons moelleux aux pieds et un thé chaud entre les mains, Tsukinoko allume la lumière dans son salon mais un homme debout dans la pièce la fait sursauter. La tasse éclate en mille morceaux à ses pieds, mais elle n’osait pas la ramasser. Le Chef était là, le masque vierge entre les mains.

  - J’attends une explication, ordonne-t-il les sourcils froncés. Je t’avais interdit de partir à sa recherche. Tu t’es mise en danger de fa?on inconsciente, heureusement que mon agent était là pour empêcher qu’Hebimaru ne s’empare de toi, dit-il en frottant le sang de son disciple laissé sur le masque.

  Tsukinoko hésitait à avouer la vérité sur les agissements de Sagi, commen?ant à douter de son sensei. Le Chef brise d’un coup sec le masque en deux. Vexée qu’on ne la prenne pas au sérieux, elle fait émaner avec menace son aura devant lui, le regard foudroyant.

  - Tu n’es pas un agent de la Colonie, Tsukinoko, insiste-t-il.

  - Pourquoi t’as demandé qu’on le ramène à Hanamaru ? lance-t-elle sèchement. Il est dangereux, et tu veux le garder ici ?! T’as vu ce qu’il a fait aux enfants, et à J?net ! crie-t-elle.

  - Oui, dit-il calmement, je le sais. Hebimaru doit être jugé, et en étant libre dans la nature, il représente une menace pour le pays du soleil, c’est pourquoi il aurait d? rester ici.

  - Pourquoi t’as pas demandé qu’on l’élimine ?!

  - Il n’y a pas de ? on ?, gronde-t-il. Tu n’es pas en position de remettre en cause ni l’autorité ni les décisions du Chef.

  - Bonne nuit, ordonne-t-elle en pointant dehors. Je suis fatiguée.

  - Nous discuterons de cette histoire demain à tête reposée, se résigne-t-il. Je t’attends à la première heure dans mon bureau.

  Alors qu’il allait mettre un pied dehors après que Tsukinoko ait éteint la lumière du salon, les deux agents de la Colonie sautent devant lui, celui aux cheveux gris avec son bin?me habituel, et s’adressent à voix basse au Chef.

  - Chef, l’individu qui s’est introduit dans les archives du sous-sol a seulement dérobé tous les dossiers concernant Hebimaru. Nous avons fini l’inventaire.

  - Si Hebimaru ou un de ses espions est à l’origine de ce vol, alors ils sont peut-être encore à Hanamaru, ou dans le pays du soleil. Il faut fermer toutes les issues !

  Tsukinoko avait discrètement caché la besace dans son dos en s’éloignant à reculons. Dans le noir, elle se cogne contre la table basse et fait tomber le sac, qui laisse échapper un bruit sourd de documents. Eclairés par la lumière de la nuit, l’agent la voit, suivi du Chef qui fronce les sourcils.

  L’ambiance s’alourdit davantage dans la pièce et Tsukinoko se crispe, prête à riposter. Les agents se ruent sur elle sans préavis, l’un lui tenant les mains dans le dos pendant que l’autre vide à terre le contenu du sac. Des parchemins, des dossiers confidentiels et des dizaines de photos des victimes d’Hebimaru jonchaient le sol, avec ses propres croquis.

  - Explique-toi, s’agace le Chef en fermant la fenêtre.

  - C’est ta faute ! s’énerve-t-elle. Vous êtes pas clairs vous tous ! Je veux juste retrouver Hebimaru et l’éliminer une bonne fois pour toutes !

  - As-tu idée de ce que tu as fait en t’introduisant dans les sections confidentielles pour dérober des documents classés secrets défense, en désobéissant au Chef et-

  - Et alors ?! Moi au moins je fais quelque chose ! crie-t-elle. Tes agents secrets sont nuls, c’est des incapables, et toi t’es pas mieux ! Tu travailles avec Hebimaru et ses espions, Sagi il ment ! Vous êtes tous des dangers pour Hanamaru ! T’es son ma?tre, alors pourquoi Hebimaru est devenu comme ?a ? Hein ?! Tu veux que je devienne comme lui ?! Jamais je deviendrai un criminel ! Je m’en tape si t’es le Chef, c’est Hanamaru que je protège ! Pas vos magouilles !

  Hors de question de trahir les dernières volontés de sa mère. Tsukinoko tenait ses positions, et il baisse la tête pour prendre une grande inspiration.

  - Remettez les documents à leur place, puis disposez, ordonne-t-il à ses agents. Cette affaire est close désormais, Hebimaru est sorti du pays.

  - Quoi ?! enrage-t-elle.

  Une aura envahi la pièce et les agents bondissent sur la terrasse, tandis qu’’Haruo ne bougeait pas d’un cil, affrontant sa disciple. L’aura vient l’envelopper.

  Les poings serrés, elle jette un coup d’?il à ses sabres sur le canapé, prête à tout, jusqu’à ce qu’il laisse échapper un semblant de soulagement.

  - Je vous ai demandé de disposer, leur redit-il. Je m’occupe de la suite. Il est de mon devoir de ne pas commettre les mêmes erreurs. Tsukinoko a raison, j’ai la pleine responsabilité dans cette histoire étant donné qu’Hebimaru fut mon élève. Cependant, Tsukinoko est ma disciple aujourd’hui et si je ne veux pas qu’un autre de mes élèves se retrouve avec un avis d’exécution sur la tête, je me dois régler le problème, ma responsabilité.

  Perplexes, les agents disparaissent avec les documents et ils se retrouvent tous les deux, Tsukinoko toujours avec son aura violacée qui le mena?ait. Il la calme enfin puis l’invite à venir s’asseoir devant lui.

  - Alors, tu serais prête à t’en prendre à ton Sensei, pour le bien du village ?

  Elle est surprise par sa question, mais se reprend et acquiesce en fron?ant les sourcils.

  - Je vois, sourit-il. Cependant, tu ne dois pas sombrer dans les manigances et la violence pour protéger ton village. Si la haine et la parano?a guident un village, comment crois-tu qu’il va évoluer ensuite ? Ne penses-tu pas que c'est en entretenant les relations diplomatiques, enrichissant les connaissances des élèves, et ?uvrant pour la paix en harmonie avec les autres pays, que tu protèges ton village ? Je comprends ta frustration concernant cette histoire et tes doutes quant à ma responsabilité, mais, tu ne peux pas décider de toi-même d’abattre un fugitif ou encore de transgresser toutes les règles. Tu as pourtant appris par c?ur le code Soldat, n’est-ce pas ? Tu n’as pas à savoir toute la vérité, ni à chercher à l’obtenir co?te que co?te. Je ne répondrai pas à tes questions concernant Hebimaru ou encore Sagi, mais je te demande de me faire confiance, Tsukinoko. Je suis Chef, mon devoir est de protéger Hanamaru et ses habitants. Certes, j’ai commis des erreurs. Et aujourd’hui, je ferai tout pour t’empêcher de dévier aussi. Cela fait aussi parti de mon devoir. Sagi fait ce qu’il fait, et je sais ce qu’il fait, c’est entendu ?

  La frustration monte encore en elle et elle se crispe en serrant son pyjama dans ses poings.

  - J’ai des agents spécialement sous mes ordres pour ces affaires, ceux que tu as traités d’incapables. Ils respectent scrupuleusement mes ordres, et c’est ainsi. Maintenant, tout ceci ne te concerne plus. Il en va de ta sécurité, car désormais Hebimaru pourrait en avoir après toi. à la suite de tes actes de ce soir, tu seras placée sous surveillance quelques temps.

  - C’est pas juste ! s’offusque-t-elle. Pourquoi je peux pas être un agents de la Colonie ?! Je suis plus forte que l’autre vieux là, lui il a eu peur d’attaquer Hebimaru mais pas moi !

  - Là n’est pas la question, soupire-t-il.

  - Mais alors... souffle-t-elle en grimpant à c?té de lui sur le canapé. Tu me crois pas assez forte ? s’attriste-t-elle. Pourquoi tu laisses Sagi faire ? Et est-ce que... Les fossiles veulent vraiment m’éliminer ?

  - De quoi parles-tu ?

  Elle hausse les épaules et il soupire tristement.

  - Ce n’est pas la question. Tu n’as pas confiance en moi, et tu désobéis. Je ne peux plus affirmer désormais avoir une confiance entière en toi. Tu n’es pas apte à être soldat, Tsukinoko.

  Elle était blessée par son ton mais n’ose pas répliquer. Malgré sa confiance en lui de nouveau renforcée après ses explications, mais ébranlée en suggérant qu’elle n’était pas réciproque.

  - Pardon, dit-elle d’une petite voix.

  - Si un accident se reproduit, le contrat sera annulé et tu seras renvoyée de Hanamaru.

  - Promis ! C’est la dernière fois Jījī ! Je veux pas que tu me renvoies, j’ai promis à Maman de protéger Hanamaru, dit-elle les larmes aux yeux. Et c’est toi mon ma?tre, je veux pas d’un autre fossile qui me surveille... se désole-t-elle. Ou me tue.

  Il est à nouveau surpris par ses paroles et réfléchit une seconde.

  - Personne ne s’en prendra à toi tant que tu feras ce que je te demande. Il en va de ta responsabilité de leur montrer que tu es une personne de confiance.

  Tsukinoko ne savait plus quoi penser mais il pose doucement la main sur sa tête pour lui caresser le sommet du crane, et elle se rassure en comprenant qu’il ne lui en voulait plus. Elle s’affale sur ses genoux, la bouille écrasée sur ses bras croisés.

  - Mais... Tout ce que font les agents c’est pour protéger Hanamaru, non ? Même ceux de Sagi ?

  - Cela ne rend pas les actes plus supportables.

  Elle réfléchissait longuement, puis finit par s’endormir auprès de son refuge qui la borda dans son lit avant de s’éclipser, tous deux épuisés après ces jours éprouvants.

  La matinée à peine entamée, on toquait à la porte de la chambre de J?net à l’h?pital. Tsukinoko était venue la chercher le jour de sa sortie, pour la ramener chez elle en bavardant sans cesse sur le chemin.

  Elles en étaient venues à parler de la marque maudite et Tsukinoko avoua la vérité sur les agissements d’Hebimaru, mais lui proposa alors de méditer, pour espérer un jour contr?ler son pouvoir.

  La table dressée dans sa cuisine, Tsukinoko sautillait de joie sur sa chaise d’avoir une copine chez elle, tandis que J?net semblait gênée de s’imposer.

  Elles avaient choisi d’aller méditer à c?té du terrain de la Mort, car J?net y sentirait Hebimaru à travers sa cachette, sans risquer de blesser quelqu'un dans cet endroit désert.

  A peine installées dans l’herbe que Tsukinoko avait repéré quelqu’un caché dans les buissons avec son aura. Il s’agissait de Furoggu, adossé contre un arbre avec un parchemin géant posé à c?té de lui, en train d’écrire tout en observant les filles.

  - Qu’est-ce tu fais là vieux con ? chuchote-t-elle à son oreille.

  Il reste figé et tourne les yeux derrière lui, surpris. Il ne l’avait pas entendue arriver.

  - Je profite du calme ici pour rédiger mes romans, dit-il en agitant son carnet.

  Tsukinoko lève un sourcil, incrédule, et envoie valser du revers de la main son carnet. Il grimace à son tour et la regarde de travers.

  - Tu vas perturber la méditation de mon amie, pervers. Je vais dire à Jījī que tu nous espionnes et il-

  - Il t’a pourtant prévenue que tu serais placée sous surveillance, n’est-ce pas ? Et vu que J?net ne ma?trise pas la marque d’Hebimaru, le Chef veut s’assurer qu’il n’y aura aucun débordement. A quoi vous vous amusez, toutes les deux ?

  - Je vais l’aider à contr?ler la marque, on va se rapprocher du repaire d’Hebimaru chaque jour pour voir si elle arrive à rester calme.

  - Je ne pense pas que vous devriez faire ?a.

  Tsukinoko plisse les yeux puis retourne l’air de rien auprès de J?net, qui rouvrait les yeux. Elle se plaint de s’ennuyer mais Tsukinoko la guide pour plonger dans son esprit et trier ses pensées, essayer de recouvrer la mémoire.

  - Mais... Si ?a dérape, comment on fait ? s’inquiète J?net.

  - Euh... T’inquiètes, je te surveille ! crie Tsukinoko en jetant un ?il dans les buissons.

  - Oui, mais tu comptes faire quoi ?

  - T’inquiètes !

  - On doit prévoir un plan au cas où quand même ! s'énerve J?net.

  - Bah je te ma?trise, hausse-t-elle les épaules. T’inquiètes.

  - Imbécile... peste J?net. A?e !

  Un coup re?u dans le tibia la fit taire, suivi d’un combat de regard avant de se mettre sérieusement au travail. J?net entra en médiation en essayant de se rappeler son accident, ce qui réveillait sa marque et la tourmentait. à chaque fois qu'elle se laissait dépasser, Tsukinoko l'endormait rapidement avec son chakra en inhibant ses récepteurs nerveux.

  à la fin de la journée, les résultats étaient peu prometteurs mais elles se motivaient durant plusieurs jours, pendant que Tsukinoko hébergeait J?net, et Furoggu là à chaque fois là pour les surveiller, parfois jusqu'à chez elle.

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